Francfort (awp/afp) - Sur fond de perte de confiance dans les banques, l'action concertée des banques centrales dimanche pour garantir un accès sans limite au dollar se veut préventive, ces institutions ayant déjà eu recours à des initiatives similaires lors de précédentes crises.

La mesure exceptionnelle intervient juste après l'annonce du rachat en urgence de Credit Suisse par son compatriote UBS, une opération orchestrée par le gouvernement suisse pour rétablir la confiance dans le système financier.

* Qu'a-t-il été décidé?

Les banques centrales des Etats-Unis, de Suisse, d'autres pays et la Banque centrale européenne (BCE) ont décidé dimanche de renforcer un dispositif qui facilite l'accès de banques centrales étrangères aux dollars, alors qu'il pourrait devenir difficile pour des banques situées en dehors de cette zone monétaire de financer leurs activités liées au dollar.

Ces banques centrales ont simplement réactivé un accord dit de "swap" faisant que la BCE et l'ensemble des banques centrales nationales de la zone euro (l'Eurosystème) peuvent recevoir des dollars des Etats-Unis de la Fed (la banque centrale américaine) en échange d'un montant équivalent en euros.

Pour la BCE, les fournitures de dollars jusqu'ici hebdomadaires vont devenir quotidiennes à compter de ce lundi, et ce au moins jusqu'à fin avril.

Une initiative d'abord préventive

"Il importe de signaler au public et aux marchés que, quoi qu'il arrive, les banques centrales seront là pour parer à toute crise", explique à l'AFP Robert Halver, analyste chez Baader Bank.

Les banques centrales sont ainsi prêtes à répondre à une demande de billets verts qui pourrait s'envoler, ce qui démontre au passage "que le dollar ne fait face à aucun rival crédible en tant que monnaie de réserve mondiale", selon Paul Donovan, d'UBS.

Il ne semble pas encore qu'il y ait eu péril en la demeure en zone euro: la semaine passée, seulement quatre banques ont demandé en tout près d'un demi-milliard de dollars à la BCE.

Celle-ci n'est plus dans la posture où elle va déverser des liquidités sur le marché pour améliorer les conditions de financement dans l'économie, ce qui fut le cas des années durant à travers ses rachats de dette sur le marché, ou "QE" (quantitative easing).

Cette politique a du reste conduit à ce que l'ensemble des banques en zone euro disposent encore aujourd'hui de 4.000 milliards d'euros de liquidités excédentaires, qui dorment au guichet des banques centrales nationales de la zone euro, en leur rapportant désormais un intérêt annuel de 3%.

Ce qui importe aujourd'hui est de resserrer le "filet de sécurité" que sont ces accords d'échanges de liquidités entre banques centrales, et ce "pour apaiser les tensions sur les marchés de financement internationaux", ont rappelé dimanche ces institutions.

Une telle action "préventive", comme on l'affirme dans l'entourage des banques centrales, doit éviter de voir l'offre de prêts aux ménages et aux entreprises se tarir, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour l'économie.

Il est donc "raisonnable que les banques centrales fournissent ces liquidités tout en resserrant la politique monétaire" avec des baisses de taux "pour des raisons économiques" liées à la trop forte inflation, selon M. Donovan.

Quels précédents ?

Les lignes de "swap bilatérales" entre banques centrales ont largement été utilisées lors de la crise financière de 2008.

Lors de la panique survenue au lendemain de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, les marchés de financement se sont asséchés en raison d'une aversion extrême au risque.

La BCE et la Réserve fédérale (Fed) ont alors mis en place un dispositif d'échange de devises permettant aux banques centrales dans la zone euro de fournir des dollars aux banques de la région.

En mars 2020, lorsqu'a éclaté la crise du coronavirus, de nouveau la Réserve fédérale, la BCE, avec la Banque du Japon et celle d'Angleterre, ont annoncé une action coordonnée pour faciliter l'accès à des dollars.

La demande de billets verts avait alors fortement augmenté en quelques jours à cause de craintes de pénuries en pleine éclatement de la crise sanitaire.

afp/jh