Zurich (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a réduit jeudi, pour la troisième fois consécutive, son taux directeur, profitant d'une inflation qui semble désormais maîtrisée. Un nouvel assouplissement monétaire est d'ores et déjà anticipé par les marchés.

L'institut d'émission helvétique a abaissé son taux directeur de 25 points de base à 1,00%, le niveau où il se situait encore début 2023. Cet assouplissement monétaire "confirme que nos décisions en mars et juin étaient correctes", a estimé le président sur le départ Thomas Jordan, lors d'une conférence de presse à Zurich.

Prenant le devant sur les autres banques centrales, la BNS avait en effet créé la surprise en rabotant mi-mars son taux directeur à 1,5%, contre 1,75% précédemment. Elle l'avait ensuite réduit d'autant en juin à 1,25%.

L'annonce de ce jeudi est conforme aux attentes des économistes interrogés par l'agence AWP, qui tablaient sur un taux entre 0,75% et 1,25%. Certains experts s'attendaient à une coupe plus forte de 50 points de base. "Nous discutons toujours diverses options", a seulement déclaré à ce sujet M. Jordan.

Si la BNS a été en mesure de réduire à nouveau son taux directeur, c'est que l'inflation est revenue dans les clous. S'affichant à 1,1% sur un an en août, les prix à la consommation se trouvent pile dans la fourchette de 0% à 2% défendue par l'institut d'émission.

Et les perspectives sont encourageantes. Le renchérissement est désormais attendu à 1,2% pour l'année en cours et à respectivement 0,6% et 0,7% pour 2025 et 2026. En juin, lors du dernier pointage, l'inflation était encore attendue en hausse de 1,3% pour l'année en cours, à 1,1% pour 2025 et 1,0% pour 2026.

"Je ne vois pas de risque déflationniste à court terme", a souligné M. Jordan, ajoutant avoir "pris les décisions appropriées de politique monétaire pour nous assurer que l'inflation demeure dans la plage assimilée à la stabilité des prix".

La décision de la BNS intervient dans le cadre d'une phase d'assouplissement monétaire mondiale. La Banque centrale européenne (BCE) a en effet abaissé ses taux directeurs de 25 points de base le 12 septembre et la Réserve fédérale américaine (Fed) de 50 points de base le 18 septembre.

Alors que la Fed garde désormais un oeil avisé sur le taux de chômage pour décider de sa politique monétaire future, la BNS reste concentrée sur la stabilité des prix. Mais "l'économie générale et le taux de chômage ont un impact sur l'inflation", a admis M. Jordan.

Revenant sur la décision de la BNS de ne pas suivre la Fed avec une baisse du taux directeur de 50 points de base, John Plassard, spécialiste en investissement à la banque Mirabaud, a estimé que l'institut d'émission helvétique voulait "garder des 'munitions' pour 2025. La BNS a en effet indiqué que "d'autres baisses de taux peuvent s'avérer nécessaires au cours des prochains trimestres".

Remise des clés

En ne reculant que de 25 points de base, la BNS a voulu "faire comprendre aux marchés que l'inflation et l'économie sont sous contrôle" et éviter que le franc ne se déprécie trop, car il empêche une appréciation de l'inflation.

Le directeur des investissements d'Oddo BHF Suisse, Arthur Jurus, a quant à lui rappelé que les investisseurs anticipent désormais un taux directeur à 0,75% en décembre et à 0,50% en mars. Il anticipe un effet direct sur le marché immobilier, expliquant que "les conditions de crédit seront plus favorables aux emprunteurs". La nouvelle baisse du taux directeur "alimentera la poursuite de la baisse des taux hypothécaires".

Mais les locataires devraient aussi bénéficier de cette décision, le taux applicable aux contrats de bail devant passer de 1,75% à 1,50% en décembre, a ajouté M. Jurus.

Quant à l'appréciation du franc, qui handicape les exportateurs mais limite les effets de l'inflation importée, il semblerait que le niveau d'intervention de la BNS sur les marchés des changes "est maintenant bien plus bas", a souligné Nadia Gharbi, économiste chez Pictet Wealth Management.

Au terme de sa 42e et dernière conférence de presse, Thomas Jordan a indiqué qu'il "remettra les clés de son bureau" à son successeur Martin Schlegel qui prendra ses fonction le 1er octobre. "Cela a été un grand privilège et un honneur" de diriger la BNS pendant 12 ans, a-t-il conclu.

al/ib