* L'émissaire de l'Onu prône un règlement politique

* Les ministres arabes reçoivent au Caire le Russe Lavrov

* La Russie pourrait jouer un rôle crucial

par Alistair Lyon

BEYROUTH, 10 mars (Reuters) - La rencontre entre Kofi Annan, émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe, et Bachar al Assad a débuté samedi à Damas, où l'ex-secrétaire général des Nations unies doit exhorter le président syrien à cesser le feu et à trouver une solution politique au conflit qui dure depuis un an en Syrie et a fait plusieurs milliers de morts.

La venue de Kofi Annan n'a pas conduit l'armée syrienne à ralentir sa répression puisque qu'au moins 72 personnes ont été tuées dans la journée de vendredi alors que les militaires étendent leur contrôle sur Homs et tentent d'écraser l'opposition armée à Idlib dans le nord du pays.

Selon des sources aéroportuaires, l'avion le transportant depuis Le Caire s'était posé deux heures plus tôt environ à l'aéroport de Damas. Le début de ses entretiens avec Assad a été annoncé par la télévision d'Etat syrienne.

Le diplomate ghanéen a appelé jeudi à l'ouverture d'un dialogue entre le régime d'Assad et l'opposition, mais les opposants ont rétorqué que cela reviendrait à donner du temps aux forces gouvernementales pour les écraser.

"Nous ferons tout notre possible pour appeler et pousser à la cessation des hostilités et à la fin du bain de sang et de la violence", a-t-il dit. "J'espère que personne ne songe sérieusement à recourir à la force dans cette situation. Je crois qu'accroître la militarisation ne ferait qu'aggraver la situation."

A New York, son successeur à la tête de l'Onu, Ban Ki-moon, a indiqué qu'il l'avait "très fortement exhorté à assurer qu'il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat".

Kofi Annan, qui quittera la Syrie dimanche, doit aussi rencontrer des représentants de l'opposition syrienne. Mais les dissidents syriens ont déjà rétorqué que le temps du dialogue était révolu et que cela reviendrait simplement à donner du temps aux forces gouvernementales pour les écraser.

LA CLEF À MOSCOU ?

Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe doivent avoir de leur côté des entretiens ce samedi au Caire avec leur homologue russe Sergueï Lavrov, après le veto opposé par la Russie et la Chine à une résolution du Conseil de sécurité demandant la mise à l'écart d'Assad pour résoudre la crise.

La Russie, alliée de longue date du régime syrien dont elle est le principal fournisseur d'armes, rechigne à lâcher Assad. "Nous ne soutiendrons aucune résolution qui ouvrirait la porte à l'usage de la force contre la Syrie", a twitté cette semaine le vice-ministre russe des Affaires étrangères.

Un diplomate russe est allé plus loin en endossant, lors d'un forum humanitaire sur la Syrie organisé jeudi au siège de l'Onu à Genève, la version officielle syrienne du conflit selon laquelle les forces gouvernementales combattent plus de 15.000 "terroristes" étrangers liés à Al Qaïda.

Alors qu'une nouvelle réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères est prévue lundi au siège new-yorkais des Nations unies, Moscou pourrait pourtant jouer un rôle crucial pour mettre fin au bain de sang en poussant Bachar al Assad à quitter le pouvoir, estime le centre de réflexion International Crisis Group, selon lequel c'est dans ce domaine que Kofi Annan a une carte à jouer.

"Si (Annan) arrive à convaincre la Russie de soutenir un plan de transition, le régime (syrien) n'aura d'autre choix que de négocier de bonne foi ou de se retrouver presque totalement isolé après la perte d'un allié clé", écrit l'organisation basée à Bruxelles dans un rapport publié cette semaine.

LES CONDITIONS DE LA FRANCE

L'Allemagne estime elle que la victoire de Vladimir Poutine l'élection présidentielle du 4 mars pourrait modifier la position de Moscou dans la crise syrienne.

"J'espère qu'après cette élection, la Russie a une vision plus claire. Il est crucial que le Conseil de sécurité de l'Onu fasse une déclaration claire qui montre que nous nous tenons au côté du peuple syrien et que nous sommes hostiles à la violence et à la répression", a déclaré vendredi Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande.

La France a très clairement fait savoir qu'elle ne voulait pas d'une résolution qui, a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, établirait une "équivalence entre la répression sauvage à laquelle se livre depuis des mois le clan de Bachar al Assad et la revendication légitime par le peuple syrien du respect de ses droits fondamentaux".

La Chine a annoncé vendredi l'envoi d'un nouvel émissaire dans la région. L'assistant du chef de la diplomatie chinoise, Zhang Ming, se rendra en Arabie saoudite et en Egypte du 10 au 14 mars, puis en France du 14 au 16 mars pour évoquer le dossier syrien, a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Sur le front de la crise humanitaire, Valerie Amos, secrétaire générale adjointe de l'Onu chargée des affaires humanitaires qui s'est dite "anéantie" par ce qu'elle a vu mercredi à Homs, a annoncé vendredi à Ankara que le gouvernement syrien avait accepté de s'associer à une "évaluation limitée" de la situation en Syrie, mais demandé un délai pour répondre à sa demande d'"accès illimité" aux zones touchées par les combats.

Près de 30.000 Syriens sont réfugiés en Turquie, au Liban et en Jordanie. (voir ) (avec Dominic Evans à Beyrouth et Louis Charbonneau à New York; Tangi Salaün, Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français)