Plus de la moitié de la somme sera financée par de la dette. Cinq milliards de dollars seront levés sur le marché primaire le 26 mai, via JPMorgan. Skechers a confirmé lundi matin avoir accepté l’offre. Une offre "au premium", c’est-à-dire supérieure à la valeur boursière actuelle : +30% par rapport au cours moyen pondéré sur 15 jours, +28% par rapport à la clôture de vendredi.

Les actionnaires pourront choisir : encaisser 63 dollars par action, ou bien 57 dollars et une part de la future entité. 3G Capital en détiendra 80%

La méthode 3G Capital : couper, fusionner, dominer

3G Capital s’est taillé une réputation dans le monde des affaires en rachetant des marques emblématiques, qu’il restructure à marche forcée pour en faire des géants mondiaux. Sa spécialité : des investissements rares, mais massifs, et une rigueur de gestion extrême.

Parmi ses outils favoris : la budgétisation base zéro, qui oblige les managers à justifier chaque dépense à chaque exercice, comme s’il fallait repartir de zéro. Et la croissance par consolidation : fusionner plusieurs entités, supprimer les doublons, augmenter les marges, et créer des conglomérats capables de peser globalement.

L’exemple le plus emblématique reste la bière. Fin des années 1990, 3G fusionne deux brasseurs brésiliens pour former AmBev, qui s’allie en 2004 au belge Interbrew (Stella Artois, Leffe) pour devenir InBev. Puis en 2008, InBev avale l’américain Anheuser-Busch (Budweiser) pour 52 milliards. En 2016, AB InBev absorbe SABMiller pour plus de 100 milliards. Résultat : un empire mondial avec des marques comme Budweiser, Corona, Beck’s ou Stella Artois.

Burger King, Heinz-Kraft : la recette 3G

En 2010, le fonds se fait remarquer avec le rachat de Burger King, plus gros LBO (leverage buy-out ou rachat par la dette) de l’année (4 milliards). Malgré une prime de 46%, le pari paie : les flux de trésorerie triplent en trois ans, l’opération aurait rapporté 19 milliards.

3G entretient des liens étroits avec Warren Buffett. En 2014, le duo 3G-Berkshire Hathaway rachète Tim Hortons et crée Restaurant Brands International (Burger King, Tim Hortons, puis Popeyes en 2017).

Le 14 février 2013, le même duo le rachat de H.J. Heinz pour 23,2 milliards. Moins de deux ans plus tard, ils fusionnent avec Kraft. L’époque est aux économies drastiques : les bonbons gratuits disparaissent du siège, l’impression recto-verso devient une politique interne... et 15% des effectifs sont supprimés en quelques mois.

Mais la bourse suit : l’action passe de 73 à 96 dollars entre 2016 et 2017. Forts de ce succès, ils annoncent dans la foulée vouloir tenter de racheter Unilever avec une offre à 143 milliards. Rejetée.

C’est là que la machine s’enraye. Les stratégies ratées (produits bio, sans additifs) laissent Heinz-Kraft sur le bord du chemin. Après un retrait progressif de la gestion opérationnelle, 3G sort complètement en 2023.

 

Une ambition à lacets

Avec Skechers, 3G entre dans un univers qu’il ne connaît pas : la sneakers. Jusqu’ici centré sur l’agroalimentaire et la restauration rapide, le fonds mise sur sa recette éprouvée pour faire progresser la rentabilité du groupe.

Aujourd’hui, Skechers affiche une marge opérationnelle de 10%, contre 13,14% pour Nike et 24,88% pour Birkenstock. Le ratio chiffre d’affaires / résultat net laisse aussi de la place pour faire mieux : 14x chez Skechers, contre 9x chez Nike et 9,375x chez Birkenstock. Il y a donc du potentiel… si le modèle 3G s’adapte au monde de la basket.