Londres (awp/afp) - Le gendarme britannique de la concurrence a fait part vendredi de ses "craintes" à propos du rachat du spécialiste britannique des microprocesseurs Arm par l'américain Nvidia, et annonce vouloir ouvrir une enquête approfondie.

Le gouvernement avait demandé en avril à l'autorité britannique de la concurrence, la CMA (Competition and Markets Authority) d'ouvrir une enquête sur cette opération à 40 milliards de dollars afin d'en évaluer les risques.

Dans ses conclusions, remises au gouvernement fin juillet, et dévoilées vendredi, la CMA évoque ses "craintes" sur cette fusion qui pourrait réduire la concurrence sur le marché.

Les services proposés par Arm, qui est un concepteur de semi-conducteurs, sont utilisés par des entreprises qui les fabriquent comme Nvidia et ses concurrents.

L'opération serait de nature par conséquent à entraver l'innovation dans des secteurs comme les centres de données, les jeux ou les voitures autonomes, ce qui pénaliserait in fine leurs clients, qu'ils soient des entreprises ou des consommateurs.

Nvidia a offert des garanties mais celles-ci n'ont pas convaincu la CMA, qui a décidé d'ouvrir une enquête approfondie.

"Nous sommes inquiets du fait que le contrôle d'Arm par Nvidia pourrait créer de vrais problèmes pour les concurrents de Nvidia en limitant leur accès à des technologies essentielles", souligne Andrea Coscelli, directeur général de la CMA.

"Cela pourrait se traduire par le manque de nouveaux produits pour les consommateurs ou une hausse des prix", selon lui.

Un porte-parole de Nvidia a réagi en indiquant "avoir hâte de pouvoir répondre aux premières conclusions de la CMA et dissiper toutes les craintes que le gouvernement pourrait avoir".

Le ministère du Numérique, qui est en charge du dossier, a lui indiqué que le ministre Oliver Dowden "rendra décision sur la prochaine phase de l'enquête en temps voulu", selon un porte-parole.

Début août, l'agence Bloomberg révélait que le gouvernement songeait même à interdire l'opération du fait de craintes sur la sécurité nationale.

"Il semble que la CMA pourrait torpiller la tentative de rachat d'Arm par Nvidia", observe Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

Selon lui, le gouvernement va devoir désormais décider si l'enquête approfondie sera simplement dans les mains de la CMA sur les risques de concurrence, ou bien s'il y aura une enquête plus large comprenant également l'impact sur la sécurité nationale.

Les semi-conducteurs font partie intégrante de nombreuses infrastructures stratégiques au Royaume-Uni notamment dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale.

En outre, "durant les derniers mois, le monde s'est rendu compte de l'importance toujours plus grande des puces électroniques", en raison des "pénuries" face à la forte demande avec la reprise économique après la pandémie, souligne Danni Hewson, analyste chez AJ Bell.

L'opération avait été annoncée en septembre 2020 par le japonais SoftBank, maison mère d'Arm, qui s'était mise d'accord avec l'américain Nvidia, champion des cartes graphiques.

Cette méga-acquisition devrait au départ être bouclée d'ici mars 2022, sous réserve de l'approbation de nombreuses autorités réglementaires dans le monde entier, et notamment britannique.

Jeudi dans le Financial Times, Jensen Huang, directeur général de Nvidia avait reconnu que cela pourrait prendre davantage de temps compte tenu des enquêtes de régulateurs dans le monde.

Fondé en 1990 en Angleterre, Arm est un spécialiste des microprocesseurs avec une part de marché mondiale écrasante dans les smartphones (95%). Ses puces, fabriquées sous licence, se retrouvent aussi dans d'innombrables capteurs, objets connectés et services de cloud (informatique à distance).

afp/rp