Si vous avez raté les derniers épisodes, vous pouvez retrouver ici le résumé de la "saison 1" et notamment notre interview exclusive d’Angelo Zito, qui occupe l’un des rôles principaux.

En quelques mots, "Nous sommes une belle entreprise, victime de diffamation et de déstabilisation orchestrée par un fonds vautour ouvertement vendeur à découvert", clame Solutions 30. "Vous êtes une énorme escroquerie, une blanchisseuse aux mains de la mafia Italienne" répond Muddy Waters, le fonds de Carson Block.

Ce dernier ne prend d’ailleurs plus aucun gant sur le dossier, alternant l'humour et le sarcasme sur Twitter mais aussi et surtout via une vidéo d'un nouveau genre dans laquelle il se permet de faire endosser aux dirigeants de Solutions 30 les rôles principaux du film "Le parrain". Du jamais vu. Block va-t-il trop loin pour assouvir son goût du spectacle et ses intérêts d’investisseur activiste ? Est-il le lanceur d'alerte qu'il prétend, grisé par l'agonie de sa proie ? A-t-il lui-même été instrumentalisé ?

Quoiqu’il en soit, les attaques de Muddy Waters ont déstabilisé Solutions 30. Au moins en bourse. La société a choisi de communiquer sur un renforcement de son contrôle de gestion. Elle a, dit-elle, embauché des auditeurs pour passer ses comptes à la paille de fer. Elle a même changé de communicants pour s'offrir les services d'une agence rompue aux situations de crise : Image7.

Les résultats 2020 en attente de certification

La publication des résultats 2020, plutôt solides de l'avis des analystes, a pourtant rouvert la plaie après une relative accalmie. Un spécialiste du dossier, Sébastien Faijean d'IDMidcaps (sceptique de longue date sur le dossier) a vite souligné la note en bas de page accompagnant le communiqué diffusé le 28 avril dernier. "Le Conseil de Surveillance de Solutions 30, réuni le 27 avril, a examiné et validé les résultats financiers de l’exercice 2019, arrêtés par le Directoire. Les procédures d’audit sont en cours". En d'autres termes, les comptes ont été validés mais sans certification. "La préparation des états financiers complets et les procédures d’audit ont pâti du contexte actuel de crise. Les comptes consolidés complets, intégrant les annexes, seront mis à disposition dans les meilleurs délais", précise Solutions 30.

Le doute s'est à nouveau installé. Interrogé durant la conférence de présentation des résultats, le directeur financier, Amaury Boilot, a expliqué que "dans le contexte très spécifique de 2020", la société a dû "faire face à de nombreux travaux d'audit" avec les missions confiées à Deloitte et Didier Kling, en plus de la charge des auditeurs internes. "Donc, cela va prendre un peu de temps supplémentaire, à nouveau", a-t-il ajouté.

L'AMF prend acte du retard

Ce temps, l'AMF aurait aimé qu'il soit un peu mieux maîtrisé. Dans le communiqué diffusé ce jour, le régulateur, en accord avec son homologue luxembourgeois la CSSF, souligne avoir demandé dès le 7 mai à la société de communiquer sur le "calendrier envisagé pour la remise du rapport d’audit sur ses comptes au 31 décembre 2020 ainsi que de la nature et l’étendue des travaux restant à accomplir". Solutions 30 a en effet dépassé le délai légal de 4 mois post-date de clôture de l'exercice. Une demande réitérée le 17 mai (hier), précise l'AMF. Entretemps, Solutions 30 a fait suspendre le 10 mai au matin la cotation de ses actions. Puis a précisé hier dans un avis laconique qu'un communiqué explicatif sera diffusé le 25 mai. Sans fournir le calendrier ni les raisons réclamées par l'AMF. Plutôt inhabituel.

Déjà objet de pas mal de fantasmes, la société se retrouve au cœur d'une nouvelle vague de spéculations. Au gré de nos (nombreuses) discussions avec des personnes-un-peu-au-fait-du-dossier ou des sources-officielles-qui-ne-peuvent-pas-communiquer-sur-les-cas-particuliers, d'échanges de SMS surréalistes, en appels transfrontaliers, de messages Twitter en dénonciations anonymes, nous avons entendu parler de faillite, de démission du conseil d'administration (qui est un conseil de surveillance) et donc de la nécessité de recruter rapidement de courageux remplaçants, d'offre publique d'achat, d'enquête de l'AMF, d'offre publique de retrait, de mafia, d'offre publique de rachat d'actions, d'audit sanglant, de barbouzes, d'audit bénin, et même d'un Gianbeppi Fortis tout sourire. Tout ça alors que les analystes ont généralement plongé sous la table, seul Julien Fouché de la Société Générale était présent lors de la conférence téléphonique de présentation des résultats annuels, non certifiés, organisée le 29 avril. Là encore, très surprenant.

Alors que faut-il en penser ?

Lors de cette fameuse conférence, le trio présent (le CEO Gianbeppi Fortis, le CFO Amaury Boilot et le chef de la transformation Robert Ziegler) a été interrogé par l'analyste solitaire de la Société Générale sur les options stratégiques qui avaient été évoquées précédemment, options qui pouvaient aller jusqu'à une sortie de la cote. Le CEO a souligné que "bien sûr" et compte tenu du niveau du cours qui ne refléterait pas selon lui la « valeur intrinsèque » de la société, toutes les options restent sur la table.

C'est à n'en pas douter la seule certitude actuellement dans ce dossier, et elle ne satisfait personne.