La bataille se déplace sur le terrain juridique car NXP Semiconductors argue qu'elle n'a aucune relation contractuelle directe avec JVIS-USA, un sous-traitant qui assemble les systèmes électroniques d'aide au contrôle des systèmes de chauffage, de refroidissement et de ventilation de la Grand Cherokee, des Dodge Challenger et Charger, et de la Chrysler 300. Cette affaire illustre la manière dont la pénurie mondiale de puces, qui perturbe tous les constructeurs, s'est répercutée sur une entreprise située au milieu d'une longue chaîne d'approvisionnement.

La pénurie a commencé à cause de l'impréparation de l'industrie automobile, qui a passé tardivement des commandes après avoir été échaudée par la pandémie. Les fournisseurs ont alors contracté en priorité avec des acteurs de l'électronique et des hautes technologies. La situation s'est compliquée à cause d'événements externes, notamment des catastrophes naturelles qui ont sévi au Texas et un incendie chez Renesas, le numéro un mondial de la fourniture de puces pour le secteur.

Chaîne d'approvisionnement des semiconducteurs dans l'industrie auto (Cliquer pour agrandir)
Chaîne d'approvisionnement des semiconducteurs dans l'industrie auto (Source Counterpoint / Cliquer pour agrandir)

JVIS n'achète pas de puces directement à NXP, mais les obtient par l'intermédiaire de plusieurs fournisseurs et distributeurs. Mais elle argue qu'il existe un contrat oral avec le fabricant de puces depuis un appel Zoom que NXP a tenu avec JVIS. NXP estime que ce contact ne constitue pas un contrat mais un simple état des lieux conforme aux habitudes du secteur. Dans son argumentaire, JVIS allègue que NXP a ensuite réduit de plusieurs dizaines de milliers le nombre de puces qu'elle devait livrer par rapport à ce qui était prévu, ce qui le conduira à arrêter la production d'ici le 19 avril et paralysera par ricochet Stellantis dans son usine d'assemblage Jefferson North à Detroit, qui devrait être touchée dans les dix premiers jours de mai. JVIS demande une ordonnance qui obligerait NXP à fournir les puces, qui sont fabriquées à Austin, au Texas.

NXP s'est refusé à tout commentaire, mais a déclaré dans des documents judiciaires qu'elle n'avait "aucun contrat avec JVIS et aucune obligation" de fournir les puces. "NXP n'a tout simplement pas de tels semi-conducteurs en réserve au milieu d'une pénurie mondiale", a écrit la société, ajoutant que l'épisode de gel intense survenu en février au Texas lui a coûté cinq semaines de temps de production et 700 000 puces perdues ou retardées. NXP nie l'existence d'un contrat oral ou écrit et précise que même s'il en avait un, ses conditions standard comprennent une clause de force majeure qui excuse les retards causés par des catastrophes naturelles.

Une pénurie qui va s'atténuer au fur et à mesure de l'année

Les industriels des semiconducteurs ont lancé des programmes d'investissements importants pour capter cette demande qui trépigne. C'est le cas de STMicroelectronics, l'un des trois leaders européens avec l'allemand Infineon (ex-division semiconducteurs de Siemens) et le néerlandais NXP (ex-division semiconducteurs de Koninklijke Philips). Le Franco-Italien a d'ores et déjà fléché entre 1,8 et 2 Mds$ d'investissements dès cette année. En 2020, il a réalisé 32% de ses revenus dans la branche "Automotive & Discrete", et compte parmi ses dix plus gros clients Bosch, Continental et Tesla

"La pénurie de puces pourrait se dissiper progressivement au cours du deuxième semestre 2021, les fonderies augmentant la capacité des usines existantes", estime Nitin Soni, chez Fitch Ratings. La création de nouvelles unités prendra, elle, plus de temps, puisqu'il leur faut "deux à trois ans pour devenir pleinement opérationnelles", ajoute Soni. Fitch Ratings pense que les fondeurs, le premier maillon de la chaîne, sont les plus à même de fixer leurs règles cette année. Nous y ajouterons les propres fournisseurs de l'industrie des semiconducteurs, comme ASML, ASM International ou Aixtron en Europe, KLA Corporation, LAM Research ou Applied Materials aux Etats-Unis et Tokyo Electron en Asie.