Les constructeurs automobiles occidentaux ont noué des accords de co-entreprise avec leurs homologues chinois pour pénétrer en Chine et y produire et vendre leurs modèles, mais la JV Stellantis-Leapmotor est la première destinée à vendre et produire les véhicules électriques d'un constructeur chinois hors de Chine.

La co-entreprise "nous permet d'accélérer l'arrivée sur le marché de véhicules électriques ingénieux et abordables", a dit le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, lors du lancement officiel mardi de la JV avec le directeur général et fondateur de Leapmotor, Zhu Jiangming.

La co-entreprise, nommée Leapmotor International et détenue à 51% par Stellantis, va commercialiser des véhicules électriques dans neuf pays européens, dont l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne et les Pays-Bas, via un réseau de 200 concessionnaires d'ici la fin de l'année, a déclaré Carlos Tavares. Ce réseau européen devrait s'agrandir ensuite pour atteindre 500 points de vente d'ici 2026, sur un continent qui se prépare à une grande offensive des marques chinoises sur le segment du véhicule électrique à moins de 20.000 euros.

Le géant chinois de l'électrique BYD projette ainsi de lancer sa Seagull en Europe dans cette fourchette de prix.

Pas un cheval de Troie ?

La JV Stellantis-Leapmotor s'attaquera ensuite à l'Amérique du Sud, au Moyen-Orient et à l'Afrique, ainsi qu'à la région Inde-Asie-Pacifique, à partir du quatrième trimestre 2024, mais un porte-parole de Stellantis a précisé qu'elle n'avait pas l'intention de vendre ou fabriquer les voitures Leapmotor aux Etats-Unis.

Stellantis, qui regroupe 14 marques depuis sa création via la fusion de PSA et FCA, a souvent fait référence à Leapmotor comme la 15e marque de son portefeuille.

Les ventes européennes commenceront avec la petite citadine T03 et le SUV compact C10, suivis d'au moins un nouveau modèle chaque année au cours des trois années à venir hors de Chine.

Prié de dire s'il ne faisait pas entrer un "cheval de Troie" en Europe, Carlos Tavares a répondu par la négative, ajoutant que les constructeurs automobiles chinois capteraient de toute manière cette année pas moins de 10% du marché automobile européen.

"Nous n'avons pas l'intention d'abandonner la fourchette de prix des 20.000 euros à nos concurrents chinois", a-t-il ajouté.

Des sources ont dit à Reuters que Stellantis avait choisi son usine polonaise de Tichy pour assembler des Leapmotor destinées à l'Europe. Carlos Tavares a dit que toute décision serait basée sur une évaluation des coûts et de la qualité, et que le site de Pologne pourrait être une possibilité.

Un enjeu mondial

Plus tôt dans la journée, les Etats-Unis ont annoncé une surtaxe relevée de 25 à 100% sur les véhicules électriques chinois, pour protéger leur marché intérieur. Les experts sont divisés sur la question de savoir si le renforcement de la protection tarifaire aidera les constructeurs automobiles américains à long terme ou s'il profitera aux consommateurs.

"Les droits de douane permettent de gagner beaucoup de temps", a déclaré Michael Dunne, un consultant qui observe l'industrie automobile chinoise depuis des années. "Les États-Unis ont cinq à sept ans de retard sur la Chine en ce qui concerne les véhicules électriques et les chaînes d'approvisionnement en batteries. La Chine a protégé ses constructeurs automobiles dans les années 1990 et 2000", a déclaré M. Dunne. "Les dirigeants politiques américains pourraient à juste titre dire que nous ne faisons qu'emprunter une page du livre de recettes de la Chine".

Les partisans de l'accélération du rythme d'adoption des VE pour réduire les émissions de dioxyde de carbone aux États-Unis préviennent que la réduction de la pression exercée par les fabricants chinois de VE se retournera contre eux. À plus long terme, les constructeurs automobiles de Détroit, à l'abri de la concurrence chinoise, pourraient revivre l'expérience des années 1970 et 1980, lorsque les restrictions à l'importation de voitures japonaises ont permis aux constructeurs nationaux de ne pas être confrontés à des rivaux à bas prix. Ces barrières commerciales ont encouragé Toyota, Honda et Nissan à transplanter leurs systèmes de production allégés dans de nouvelles usines américaines.

"Si General Motors, Ford et Stellantis ne sont pas en concurrence avec des entreprises étrangères qui fabriquent des VE, ils n'en fabriqueront pas. Le marché ira à BYD. Et les Américains perdront des parts de marché comme ils l'ont fait dans les années 1970", a déclaré Daniel Becker, du Center for Biological Diversity, un groupe environnemental qui a poussé l'administration Biden à adopter des politiques climatiques plus strictes.