PARIS (Reuters) - La riposte engagée par Suez pour contrecarrer l'offre de rachat de son rival Veolia ne respecte pas les règles applicables aux offres publiques, a estimé vendredi l'autorité des marchés financiers (AMF), infligeant un revers au spécialiste de la gestion de l'eau et des déchets.

Veolia, devenu en octobre le premier actionnaire de Suez après le rachat d'une participation de 29,9% auprès d'Engie, cherche depuis plusieurs mois à prendre le contrôle de son concurrent mais ce dernier s'y oppose farouchement.

Le groupe dirigé par Antoine Frérot a déposé une offre sur le solde du capital de Suez au prix de 18 euros par action et compte défendre son projet dans le cadre de la prochaine assemblée générale de son rival qui doit être convoquée d'ici à fin juin.

Pour se défendre, Suez a récemment rendu définitive jusqu'en septembre 2024 une fondation de droit néerlandais empêchant la cession de ses activités dans l'eau en France, bloquant de fait la réalisation du projet de Veolia qui a prévu de les céder pour des raisons de concurrence.

Le groupe dirigé par Bertrand Camus a parallèlement proposé d'engager des discussions avec Veolia en vue de trouver un compromis sur la base d'une proposition du consortium de fonds Ardian-GIP, qui envisage de reprendre une importante partie des activités du groupe pour 11,9 milliards d'euros.

Veolia a immédiatement rejeté cette proposition qu'il a qualifiée d'"offre fantôme".

"La recherche d'une solution négociée entre les parties est tout à fait légitime mais elle doit respecter les principes de transparence et d'intégrité du marché, de loyauté dans les transactions et la compétition, ainsi que du libre jeu des offres et de leurs surenchères", souligne le gendarme de la Bourse dans un communiqué.

UNE POSITION "INACCEPTABLE" DE L'AMF SELON SUEZ

"La combinaison entre les modifications que la société Suez annonce avoir apportées au dispositif de la fondation de droit néerlandais et la proposition du consortium Ardian-GIP négociée et soutenue par le conseil d'administration de Suez porte atteinte aux règles et principes directeurs applicables aux offres publiques", ajoute l'AMF.

Dans sa communication, l'autorité estime notamment que le consortium Ardian-GIP - qui a expliqué que sa proposition ne constituait pas une contre-offre - "se place de fait, avec l'appui de la société visée par l'offre, qui lui a octroyé un engagement d'exclusivité, dans une situation de compétition avec la société Veolia".

L'AMF juge aussi que la valorisation de 20 euros par action évoquée dans la proposition du consortium "ne correspond pas, en réalité, à un prix ou une valeur que les actionnaires de Suez seraient en mesure de recevoir", que cette information "ne contribue pas à la bonne information des investisseurs" et que la fondation créée par Suez ne pourrait être désactivée que "dans des cas limitatifs et contraints".

Suez a fermement dénoncé les considérations de l'AMF, évoquant une position "incompréhensible et favorisant une nouvelle fois Veolia", publiée à l'issue d'"un processus décisionnel inacceptable car ne respectant pas les droits les plus élémentaires de Suez".

Le groupe a prévenu qu'il ferait "naturellement valoir tous ses droits", d'autant plus que, selon lui, la position de l'AMF s'inscrit "en totale contradiction avec la Loi Florange".

Cet avertissement sans frais de l'AMF, qui s'est abstenue d'annoncer des sanctions, pourrait cependant donner du poids aux arguments de Veolia dans ses recours judiciaires.

"On peut espérer un instant de raison (...) et que Suez adopte une position qui lui permette de revenir dans la conformité avec l'AMF (...)", a déclaré une source proche de Veolia.

Le gendarme boursier doit prochainement rendre son avis sur la conformité de l'offre publique lancée par Veolia.

(Blandine Hénault et Gwénaëlle Barzic, avec Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault et Jean-Michel Bélot)