La hausse des prix du fret maritime fait la une des médias économiques depuis l'automne. La presse généraliste en a fait ses choux gras en mars dernier, lorsque l'Ever Given s'est retrouvé coincé en travers du canal de Suez, mettant en lumière l'importance stratégique des routes maritimes pour le commerce mondial. "Les prix de plusieurs routes commerciales ont triplé par rapport à l'année dernière, et les prix d'affrètement des porte-conteneurs ont connu des hausses similaires", soulignent les économistes Joanna Konings et Rico Luman, qui ne voient pas vraiment comment la situation pourrait se décanter à court terme, pour cinq raisons.

D'abord, les déséquilibres entre la production et la demande de biens vont perdurer, conséquence de la désorganisation globale liée à la pandémie. Ensuite, le fret océanique reste incontournable et les alternatives habituelles (aérien, rail), utilisées en général pour les produits sophistiqués, ont été prises d'assaut et ont vu leurs prix flamber eux aussi. Troisièmement, les déséquilibres dans la reprise vont continuer cette année, avec des pays quasiment en ordre de marche et d'autres encore empêtrés dans les restrictions sanitaires. En outre, les annulations ou les suppressions d'escales (blank selling), quoiqu'en baisse, sont encore présentes, ce qui pèse sur les capacités. Enfin, la congestion reste d'actualité, même si les données montrent que la proportion de navires atteignant leur destination à temps a cessé de baisser en avril, et que les retards moyens se sont améliorés.

Les retards sont en voie d'amélioration, mais on reste loin du compte
Pourcentage de navires arrivant à l'heure : les retards sont en voie d'amélioration, mais on reste loin du compte (Source ING)

ING pense que l'afflux de nouvelles capacités de conteneurs atténuera les pressions sur les prix, mais que cela n'arrivera qu'à partir de 2023. Les opérateurs de porte-conteneurs ont enregistré des résultats exceptionnels depuis plus d'un an et les nouvelles commandes de porte-conteneurs ont atteint le chiffre record de 229 navires (soit 2,2 millions d'EVP). Ces capacités accroîtront de 6% l'offre mondiale, malgré le déclassement des navires les plus anciens.

Les transporteurs maritimes cotés pesant plus de 10 Mds$ en bourse (Source Zonebourse)
Les transporteurs maritimes cotés pesant plus de 10 Mds$ en bourse (Source Zonebourse)

"La croissance mondiale ayant dépassé la phase de rattrapage de sa reprise, l'augmentation à venir de la capacité de fret maritime exercera une pression à la baisse sur les coûts d'expédition, mais ne ramènera pas nécessairement les taux de fret à leurs niveaux d'avant la pandémie, car les transporteurs de conteneurs semblent avoir appris à mieux gérer la capacité dans leurs alliances", expliquent les deux économistes d'ING, qui pensent qu'à court terme, les taux de fret peuvent atteindre de nouveaux sommets… et les prix aussi.