Coup de théâtre dans l’affrontement entre Suez et Veolia, le premier a dégainé hier soir une " pilule empoisonnée " en logeant son activité Eau en France dans une fondation de droit néerlandais. En Bourse, le titre Suez recule de 4,46% à 14,235 euros, soit l'une des plus fortes baisses de l'indice SBF 120, cette décision compliquant le projet de rachat de la participation de 29,9% d'Engie dans Suez. Cette action a provoqué l’ire du PDG de Veolia (-1,09% à 18,18 euros), Antoine Frérot, qui l’a qualifiée de « coup fourré ».

Conséquence de cette décision, pour les quatre années à venir et sauf décision contraire du conseil d'administration de Suez au cours de cette période, Suez Eau France, comme ses actifs, sera inaliénable à défaut d'accord préalable de ses actionnaires sous certaines conditions, y compris, en tout état de cause, celui de la fondation. Cette fondation sera administrée par une majorité de représentants ou d'anciens représentants du corps social de Suez.

La quasi-totalité du capital et des droits de vote de Suez Eau France reste détenue par le groupe Suez, le contrôle et la gestion de Suez Eau France demeurant ainsi inchangés. Par ailleurs, le conseil d'administration entend étudier les conditions d'une ouverture du capital de Suez Eau France aux salariés de cette société.

En cas de réussite de son opération, Veolia prévoyait de céder Suez Eau France afin de passer l'obstacle de l'Autorité de la concurrence. L'acheteur était même déjà connu, il s'agissait de la société de gestion française spécialisée dans les infrastructures, Meridiam. Ce montage prend désormais l'eau.

" Ce coup fourré n'est pas de nature à me décourager", a déclaré Antoine Frérot sur BFM TV, qui regardera " juridiquement " cette opération.

Le fonds activiste français CIAM juge que cette décision " constitue une violation inadmissible des droits des actionnaires en les privant de la faculté de se prononcer sur les mérites de l'offre envisagée ". Selon son analyse, " l'Autorité des Marchés Financiers ne peut accepter un tel précédent, qui pourrait constituer à l'avenir une atteinte flagrante au libre jeu des offres publiques et au principe de prévalence des actionnaires défendu par le droit communautaire et qui nuirait ainsi à la place financière de Paris ".

" J'étudie toutes les options possibles. Pour des raisons juridiques je ne peux pas vous en dire plus, mais j'en discuterai dès aujourd'hui avec Jean-Pierre Clamadieu, " a également déclaré le PDG de Veolia. Parmi les options possibles figurent un relèvement de l'offre, mais pas son prolongement au-delà du 30 septembre, a précisé Antoine Frérot.

Veolia propose de racheter la participation d'Engie dans Suez (29,9% du capital) au prix de 15,5 euros, valorisant ainsi sa cible 10 milliards d'euros.

" Tout est possible. Je peux abandonner le projet, je peux en lancer ou en poursuivre un autre - il n'y a pas que Suez non plus - ou je peux faire une OPA ", a ajouté le PDG de Veolia.

Jefferies estime que l'irruption de cette " pilule empoisonnée " ne va pas forcément faire échouer l'accord. L'analyste évoque plusieurs hypothèses : Veolia poursuit le rachat mais cède sa propre activité française de distribution d'eau ou le dépôt par des actionnaires d'une résolution visant à changer les administrateurs et la direction afin de renverser la fondation.

CIAM menace ainsi d'engager un dialogue avec les autres actionnaires afin de faire convoquer une assemblée générale pour s'assurer de la représentativité des administrateurs de Suez.

Valeurs citées dans l'article : Suez SA, Veolia Environnement, ENGIE