Paris (awp/afp) - Convoité par Veolia son concurrent, Suez contre-attaque en annonçant mercredi une accélération de son plan de développement, qui vise précisément à détrôner son vieux rival de sa place de numéro un mondial de l'eau et des déchets.

Le temps presse. Veolia, qui ambitionne de créer "un super champion" du secteur, a proposé fin août à Engie de lui racheter ses 29,9% de parts dans Suez pour 2,9 milliards d'euros, avant de s'attaquer au reste des actions. Le groupe estime que le compte n'y est pas, mais il a jusqu'à fin septembre seulement pour répondre.

La direction de Suez, vigoureusement opposée au projet, s'est donc lancée dans une course pour monter un projet alternatif avec des partenaires investisseurs, et pour gagner une âpre bataille d'influence.

A 18H45, son président Philippe Varin et son directeur général Bertrand Camus doivent être reçus par Bruno Le Maire, à la demande du ministre de l'Economie.

Ce sera la première fois depuis le début du bras de fer. Les deux dirigeants, qui dénoncent les risques d'une d'OPA "funeste" notamment en terme d'emploi, devraient aussi réexpliquer le projet industriel qu'ils portent depuis un an, explique une source proche du dossier.

Le groupe a ainsi annoncé mercredi être en négociations avec l'allemand Schwarz, pour lui céder des activités de recyclage (hors plastiques et déchets dangereux) pour 1,1 milliard d'euros, dans le cadre de sa stratégie de développement annoncée en octobre 2019.

La stratégie de Suez à horizon 2030, qui passe par des cessions et des acquisitions, vise notamment à concentrer son activité sur des domaines à haute valeur ajoutée. L'accord prévoit ainsi un partenariat avec Schwarz, propriétaire de Lidl, pour faire progresser l'économie circulaire.

"Ce projet marque une étape majeure dans la réalisation de notre plan stratégique, qui prévoit de concentrer nos forces notamment en France et en Europe sur les activités et géographies où l'on peut déployer nos innovations les plus prometteuses pour être le leader des services à l'environnement", a commenté Bertrand Camus, à propos d'une opération qui "valorise la qualité de notre portefeuille d'activités".

"L'annonce de ce (mercredi) matin démontre qu'on avance comme prévu", a déclaré le directeur financier Julian Waldron à quelques journalistes.

Plusieurs chevaliers blancs?

"C'est un projet industriel, c'est le socle de la création de valeur pour nos actionnaires et nos autres parties prenantes, ce n'est pas du court terme", a-t-il ajouté. "Montrer son potentiel de création de valeur, cela me semble crucial tout le temps et oui, il est encore plus important, aujourd'hui, de démontrer qu'on avance".

Dans le même temps, un aréopage de juristes et banquiers (Goldman Sachs, Société Générale, Rothschild, JP Morgan...) entoure les préparatifs de contre-offre. De l'avis d'analystes financiers, trouver un seul chevalier blanc sur ce secteur n'est pas simple. Mais pourquoi pas plusieurs.

Plusieurs noms reviennent. Ainsi le fonds français d'investissement Antin, qui suit "de près" la situation, selon une source proche de cet acteur spécialisé dans l'eau et les infrastructures.

"Antin a les moyens financiers pour être un acteur majeur de ce dossier", affirme-t-elle. Et "dans le cas où cette opération se ferait avec d'autres acteurs, Antin a l'habitude de travailler en consortium".

En revanche Axa, dont le nom est apparu dans la presse, ne fait pas partie du projet, selon une source proche.

L'Etat, actionnaire de référence d'Engie, a prévenu qu'il serait vigilant sur la question de l'emploi et de "l'empreinte industrielle française".

"Nous regardons avec un souci d'équité l'offre de Veolia ou les autres offres qui pourraient venir", a affirmé précédemment M. Le Maire, ajoutant qu'"il ne doit pas y avoir dans cette opération un vainqueur et un vaincu".

Les syndicats de Suez appellent à une nouvelle journée d'action contre ce projet le 22 septembre. Le comité social et économique du groupe a voté mardi le lancement d'un droit d'alerte économique.

Le groupe compte 90.000 salariés dans le monde, dont 30.000 en France. Si son OPA aboutit, Veolia a prévu de revendre la branche eau de Suez en France au fonds Meridiam, assurant que l'emploi serait préservé.

Les deux parties auront l'occasion de s'expliquer de nouveau, publiquement, le 23 septembre, à l'Assemblée nationale devant les députés de la Commission des Finances.

afp/jh