Jacques Mottard, Sword a généré une croissance organique de 15.9% en 2024, surperformant très nettement son marché. Pouvez-vous nous rappeler les clés du succès de votre groupe ?

" La principale raison est le choix des marchés que nous adressons. Notre croissance sereine repose sur un carnet de commandes élevé (21.1 mois à fin 2024), ce qui implique des clients d’une certaine taille, solvables et peu sensibles à la conjoncture. L’Union Européenne (30% de notre CA) est notre premier client à travers une multitude de contrats et d’interlocuteurs. Ses besoins en informatique ne font que croitre et la taille de ses projets est telle qu’elle nécessite des appels d’offres auxquels répondent nos équipes dédiées : nous n’avons pas de commerciaux. Vient ensuite le marché de l’Energie avec des clients comme Total, SSE, BP ou Shell grâce à notre position très forte en Mer du Nord où les forages ont fortement repris après une menace du gouvernement britannique. Les Gouvernements représentent 20% de notre activité, avec un poids important des gouvernements des cantons qui ne retiennent que des prestataires locaux comme nous, sachant que nous commençons à travailler avec la confédération des cantons dédiée aux missions régaliennes. Les organisations internationales suivent avec 14% du CA répartis entre des organisations sportives, l’ONU et ses agences comme l’OMS (je précise que le décret Trump relatif à la coupe de financements de la part des USA a été invalidé), des ONG comme la Croix Rouge, etc. Enfin, 13% de notre activité repose sur des débouchés plus aléatoires car sensibles à la conjoncture économique (banque-assurance, utilities, télécoms, santé…). Une autre raison de notre croissance à deux chiffres tous les ans est la motivation de nos dirigeants, une quarantaine d’entre eux bénéficiant d’une rémunération variable potentiellement très élevée, sous forme de « share deals », qui vient compléter des salaires dans la moyenne du marché. Cette forme de rémunération a l’avantage d’être conditionnée à l’atteinte d’objectifs ambitieux, inscrits dans le temps et sur leur périmètre, d’être peu fiscalisée et d’inclure une prise de risque, le prix d’achat des actions. Enfin, ne pas avoir de société en France, ce qui ne nous empêche pas d’y remporter des contrats, nous évite un certain nombre de problèmes... "

Pourtant, les investisseurs ne sont plus sensibles à vos performances depuis quelques temps. Comment expliquez-vous ce désamour ? Il y a eu des questionnements sur les share-deals, et peut-être maintenant sur l’évolution de la stratégie en matière d’acquisition de sociétés plus importantes que par le passé ?

" Les micro-acquisitions qui caractérisent la stratégie de Sword depuis de nombreuses années restent d’actualité. J’ai juste dit que j’allais maintenant viser des acquisitions de taille un peu plus significative, de l’ordre de 15 M€ de CA pour citer une société que nous regardons actuellement à Madrid. Il nous suffit d’en réaliser quelques-unes de cette taille d’ici deux ans pour compléter notre CA 2028 à périmètre constant (560 M€) et ainsi atteindre 700 M€ de CA en 2028. Je reste conscient que 50% des acquisitions d’envergure détruisent de la valeur et le modèle Atos reste l’opposé de ce que nous cherchons à faire."

 Qu’est-ce-qui vous anime aujourd’hui, dans la vie et à la tête de Sword ?

" A titre personnel comme professionnel, je suis un homme de projets. Mon principal projet est et reste Sword. Au-delà des objectifs 2028, je réfléchis déjà à une vision 2032 dans laquelle je serai passé d’ « Executive Chairman » à « Non Executive Chairman ».  "

Y a-t-il des membres de la famille Mottard dans l’entreprise ?

" Sword détient 45% d’une filiale, SW Technologies, contrôlée par mon fils Guillaume à 55%. Sword en assure la gestion pour accélérer son développement mais d’ici quelques années nous revendrons notre part minoritaire à un investisseur tiers.  Je n’ai aucune intention de confier des postes à des membres de la famille ou de léguer l’entreprise à mes enfants. Leur léguer de l’argent évitera un certain nombre de problèmes."

Comment l’année 2025 se profile-t-elle pour Sword ?

" Nous visons 13% de croissance organique avec un maintien de notre niveau de marge d’Ebitda 12%. J’espère davantage de croissance, mais le contexte géopolitique est incertain et une réallocation budgétaire de l’Union Européenne en faveur de la défense pourrait impacter certains budgets hors IT. Par ailleurs, j’espère profiter de la baisse des valorisations pour réaliser des acquisitions, sachant que nous avons 130 M€ de lignes de crédit sur 4 ans. Nous cherchons à ne pas payer plus de 6x l’Ebit de la cible en prenant en compte les coûts de restructuration dans la valeur d’entreprise calculée."

Sword est connu pour choyer le retour à l’actionnaire. Quelle est votre feuille de route en matière de dividende et de rachat d’actions alors que le cours est mal orienté ?

" Le cours est en effet mal orienté mais je n’y peux pas grand-chose et je ne doute pas que les choses s’ajusteront avec le temps. Un dividende de 2€ sera proposé, à comparer à 1.7€ l’année dernière. Les rachats d’actions sont stoppés afin de préserver les moyens d’acquisition, sachant que nous considérons les actions propres comme de la trésorerie. "

Un rendement annuel moyen pour l’actionnaire très élevé sur le long terme (source : société)

 

L’auteur de cet article est actionnaire de la société à titre personnel