Tokyo (awp/afp) - L'équipementier automobile japonais Takata, qui vient de déposer le bilan, laminé par un retentissant scandale d'airbags défectueux, a dû affronter mardi des actionnaires éprouvés par la longue débâcle financière et boursière du groupe.

"Je suis résigné, je ne ressens même plus de colère, cette phase est passée", commentait un investisseur de 48 ans, avant le début de l'assemblée générale à Tokyo. Et de se lamenter: "pourquoi n'ont-ils pas réglé le problème plus vite, quand sont survenus les premiers rappels en 2008 et 2009 ?".

Objet du courroux, le PDG Shigehisa Takada, héritier de la famille fondatrice. "Je veux interroger le président sur sa responsabilité" dans ce fiasco, a insisté un petit porteur de 66 ans, Minoru Matsuo, qui a vu un cinquième de sa retraite s'envoler dans des placements Takata.

A la sortie de la réunion, fermée à la presse, le dirigeant n'avait semble-t-il pas convaincu l'assistance: "il ne fait qu'esquiver, invente des excuses en rejetant la faute sur les constructeurs d'automobiles, dit que la cause du problème n'est pas claire", a déploré Masaya Otsuka, 30 ans.

Et quand M. Takada, qui détient avec sa famille environ 60% des parts, a été reconduit dans ses fonctions aux côtés de cinq autres responsables, c'était la stupeur dans la salle.

"Nous étions tous sidérés même si la résolution a été approuvée sous les applaudissements", a témoigné Hiroshige Kono, 75 ans. "Aujourd'hui nous avons assisté à la veillée, et le 27 juillet, jour de radiation de l'action, ce seront les obsèques. J'ai versé beaucoup de sous de condoléances", a-t-il dit.

- 'Poubelle' -

En attendant, les détenteurs de titres essayaient de s'en débarrasser. A la Bourse de Tokyo, où les échanges ont repris mardi au lendemain d'une suspension liée à l'annonce de la faillite, l'action est tombée à 110 yens, soit un nouveau plongeon de 31%, le repli maximum autorisé pour ce jour. Elle valait 3.000 yens début 2014, avant que n'éclate l'affaire.

"J'ai investi pas mal d'argent dans cette compagnie. Maintenant l'action est à mettre à la poubelle!", a déploré Kenichi Asahi, 36 ans, venu lui aussi dire sa colère à l'AG.

Takata a enclenché lundi une procédure de redressement judiciaire, ployant sous plus de 1.000 milliards de yens (8 milliards d'euros) de dette, ce qui marque la plus retentissante faillite d'un industriel dans l'histoire du Japon d'après-guerre.

Ses principales activités vont être transférées à KSS, un équipementier américain contrôlé par le chinois Ningbo Joyson Electronic, pour un montant de 175 milliards de yens (1,4 milliard d'euros).

Shigehisa Takada a promis de démissionner ensuite. Takata, lui, ne survivra que le temps de continuer de fournir les airbags de remplacement, honorer les dernières commandes, payer une amende aux Etats-Unis, essuyer les plaintes...

Fondé en 1933, le numéro deux mondial des airbags a succombé à une crise qui a conduit les constructeurs automobiles à rappeler quelque 100 millions de coussins de sécurité dans le monde. Le groupe japonais est accusé d'avoir dissimulé pendant des années l'existence d'un défaut majeur dans ses coussins de sécurité, responsables d'au moins 16 décès et de plus d'une centaine de cas de blessures.

afp/rp