(Répétition sans changement d'une dépêche publiée mercredi)

par Paul Carsten, Reade Levinson, David Lewis et Libby George

MAIDUGURI, Nigeria, 7 décembre (Reuters) - Fati s'est demandé si sa vie était terminée. C'était il y a plusieurs années. Les soldats nigérians encerclaient le village sur une île du lac Tchad où elle était détenue par des insurgés islamistes avec de nombreuses autres captives. Les obus explosaient, les balles sifflaient. Au moment où ses ravisseurs prenaient la fuite, elle s'est évanouie de terreur.

Quand elle s'est réveillée un peu plus tard dans un camp militaire situé à proximité, la jeune femme, âgée aujourd'hui d'une petite vingtaine d'années, confie ne jamais s'être sentie aussi heureuse.

Pendant plus d'une année, raconte-t-elle à Reuters, elle avait été frappée, mariée de force à des combattants djihadistes. Violée à plusieurs reprises, elle était tombée enceinte. Avant d'être finalement secourue par l'armée. "J'étais extrêmement reconnaissante envers les soldats", dit-elle.

Une semaine plus tard environ, allongée sur un matelas dans une pièce étroite et mal éclairée d'une caserne de Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno, dans le nord-est du Nigeria, avec cinq autres femmes, elle a reçu la visite d'hommes en uniforme, qui lui ont administré de mystérieuses injections et pilules.

Quatre heures plus tard, poursuit Fati, qui était alors enceinte de quatre mois, elle a ressenti de vives douleurs à l'estomac et du sang noir s'est écoulé de son corps. Les autres femmes saignaient elles aussi, se tordant sur le sol. "Les soldats veulent nous tuer", a-t-elle pensé.

Elle s'est alors souvenue des injections et a compris : les militaires l'avaient fait avorter sans lui demander son consentement, ni même l'informer.

Une fois que les six femmes se sont nettoyées de leur sang, les soldats ont prévenu : "Si vous racontez ça à qui que ce soit, vous serez sévèrement battues."

AU MOINS 10.000 GROSSESSES INTERROMPUES

Depuis au moins 2013, l'armée nigériane conduit un programme secret, systématique et illégal d'avortements forcés dans le nord-est du pays. Au moins 10.000 grossesses ont ainsi été interrompues, la plupart concernant des jeunes filles ou des femmes kidnappées et violées par les insurgés djihadistes, selon des dizaines de témoignages et des documents récoltés et examinés par l'agence Reuters.

Ces avortements ont été pour la plupart pratiqués sans que ces femmes, enceintes de quelques semaines ou jusqu'à huit mois, certaines parfois âgées de seulement 12 ans, n'aient été sollicitées pour donner leur consentement ou informées.

Cette enquête s'appuie sur des entretiens avec 33 femmes ou adolescentes affirmant avoir été avortées lorsqu'elles étaient sous la garde de l'armée nigériane. Une seule dit avoir librement accepté.

Reuters a également interrogé cinq travailleurs de santé civils et neuf membres des services de sécurité impliqués dans ce programme, parmi lesquels des soldats et des fonctionnaires du gouvernement chargés d'escorter les femmes vers des centres dédiés. Reuters a également examiné des copies de documents militaires et des données hospitalières civiles décrivant ou compilant des milliers de procédures d'avortement.

L'existence de ce programme dirigé par l'armée n'a jamais été rendue publique jusqu'ici. La campagne d'avortements forcés reposait sur la tromperie et la force physique utilisée contre des femmes détenues aux mains de l'armée pendant des jours ou des semaines.

Trois soldats et un garde ont déclaré qu'ils racontaient fréquemment à ces femmes, souvent affaiblies par leur captivité dans la jungle, que les pilules et les injections étaient destinées à lutter contre des maladies comme le paludisme.

Lorsque certaines résistaient, elles pouvaient être battues, menacées à l'aide d'une arme de poing ou droguées. D'autres étaient ligotées ou immobilisées au sol le temps que les comprimés leur soient administrés, ont déclaré un garde et un travailleur de santé.

DES TRAITEMENTS PARFOIS FATALS

Bintu Ibrahim, proche de la trentaine, se remémore comment des militaires lui ont fait des injections forcées il y a trois ans environ, après avoir été récupérée par l'armée alors qu'elle avait fui ses ravisseurs islamistes avec d'autres femmes.

Quand le sang et les douleurs sont survenues, elle et les autres femmes ont su qu'elles s'étaient fait avorter. Elles ont demandé des explications, jusqu'à ce que les soldats ne les menacent de les tuer.

"S'ils m'avaient laissée avec le bébé, j'aurais voulu le garder", assure-t-elle, une affirmation corroborée par une autre ancienne captive, Yagana Bukar. En dépit de la brutalité de son père, "cet enfant n'avait rien fait de mal", ajoute-t-elle.

Fati comme d'autres femmes disent pour leur part qu'elles ne voulaient pas d'enfant mais se plaignent d'avoir été trompées et contraintes à subir un traitement effrayant et potentiellement dangereux.

Dans certaines casernes ou sur le terrain, certains avortements se sont révélés fatals. Même si Reuters n'a pas pu déterminer le nombre de ces décès sur près de dix années, quatre soldats et deux officiers de sécurité disent avoir vu des femmes en mourir.

Bintu Ibrahim dit elle aussi avoir été le témoin de la mort d'une femme après une injection près d'un petit village dans la jungle, un événement également confirmé par son amie Yagana Bukar.

"Cette femme était enceinte depuis plus longtemps que le reste d'entre nous, près de six ou sept mois", raconte Bintu Ibrahim. "Elle pleurait, criait, se roulait par terre puis elle a finalement arrêté de pleurer et de crier. Elle devenue très faible et elle a arrêté de respirer. Ils ont simplement creusé un trou, ont jeté du sable et l'ont enterrée."

"DES HISTOIRES IMAGINAIRES"

Reuters n'a pas pu établir qui est à l'origine de ce programme d'avortements forcés, ni déterminer s'il était supervisé par l'armée ou le gouvernement.

Des soldats et civils impliqués ont déclaré avoir reçu des ordres d'officiers.

Les militaires nigérians démentent que ce programme ait jamais existé et estiment que les investigations de Reuters participent d'un effort de l'étranger pour affaiblir la lutte du pays contre l'insurrection islamiste.

"Pas au Nigeria, pas au Nigeria", a martelé le général Christopher Musa, qui dirige les opérations de contre-insurrection dans le nord-est du Nigeria, dans une interview à Reuters le 24 novembre dernier.

"Tout le monde respecte la vie. Nous respectons les familles. Nous respectons les femmes et les enfants. Nous respectons toute âme vivante."

Sollicité pour des commentaires, le général Lucky Irabor, chef d'état-major de la défense du Nigeria, n'a pas donné suite.

Le 2 décembre, en réponse à une demande d'interview de ce dernier, le directeur de l'information de la Défense a diffusé à la presse puis sur les réseaux sociaux une déclaration de cinq pages dans laquelle le général Jimmy Akpor accusait Reuters d'être motivé par la "méchanceté" et une mentalité de "harceleur".

"Ces histoires imaginaires constituent un tombereau d'injures pour les peuples et la culture du Nigeria", a ajouté le général Akpor. "Le personnel militaire nigérian a été élevé, éduqué et entraîné pour protéger les vies, même à ses propres risques, en particulier lorsqu'il s'agit de la vie d'enfants, de femmes et de personnes âgées."

Les femmes nigérianes sont prises au piège de la guerre qui oppose depuis treize ans les forces du gouvernement fédéral et les extrémistes islamistes dans le nord-est du pays.

Le mouvement fondamentaliste islamiste Boko Haram est né il y a une vingtaine d'années dans la région, avant de se transformer en insurrection armée à la mort de son fondateur Mohammed Yusuf en 2009. La rébellion est montée en puissance sous la direction d'un protégé de Yusuf, Abubakar Shekau.

Le conflit a fait au moins 300.000 morts, de violence, de faim ou de maladie, selon les Nations unies et des groupes de défense des droits humains.

STIGMATISÉES

Au coeur du programme d'avortement réside l'idée largement partagée au sein de l'armée et parmi certains civils dans le Nord-Est, selon laquelle les enfants des insurgés sont prédestinés, par le sang qui coule dans leurs veines, à prendre un jour les armes contre le gouvernement et la société.

Quatre soldats et un garde ont dit avoir entendu de la bouche de leurs supérieurs que le programme était nécessaire pour éliminer les combattants insurgés avant leur naissance.

"C'est comme assainir la société", a déclaré un employé de santé civil, l'une des sept personnes à avoir reconnu pratiquer des avortements sur ordre de l'armée.

Quatre professionnels de santé interrogés par Reuters ont également estimé que ce programme était pour les femmes, pour éviter qu'elles ne soient stigmatisées pour avoir donné naissance à un enfant d'insurgé.

Le programme d'avortement, mis en place depuis au moins 2013, a continué au moins jusqu'à novembre 2021, selon des récits de militaires. Il a été minutieusement organisé, ont dit les sources contactées par Reuters, les femmes enceintes étant régulièrement transportées sous escorte militaire, parfois en convois, vers des casernes ou des hôpitaux du Nord-Est où étaient pratiqués les avortements.

Ceux-ci ont été effectués dans au moins cinq installations militaires et cinq hôpitaux civils de la région, d'après les témoignages et documents regroupés par Reuters. Beaucoup se sont produits à Maiduguri, dont au centre de détention de Giwa où Fati s'est fait avorter.

Le programme était clandestin, ont déclaré huit sources impliquées dans sa mise en oeuvre. Il était parfois tenu secret auprès de collègues d'un même hôpital.

Les autorités nigérianes déclarent que si de tels abus existaient, il serait impossible de les dissimuler en raison de la multitude des agences humanitaires internationales ou locales qui opèrent dans le Nord-Est.

"Tout le monde a un accès libre à ce que nous faisons", assure le général Musa. "Il n'y a rien de caché sous le soleil, rien. Personne ne nous a jamais accusés de quoi que ce soit de ce genre. Nous ne l'avons pas fait. Nous ne le ferons pas. Ce n'est pas dans notre caractère."

Prié de dire si des avortements forcés pourraient survenir sans que ses agences en aient connaissance, Matthias Schmale, coordinateur des Nations unies au Nigeria, a dit "ne pas pouvoir être en position pour le moment de faire des commentaires publics sur cette question sensible et importante".

Les opérations contre Boko Haram sont menées par une coalition de forces dirigées par le général Christopher Musa. Elles sont chapeautées depuis 2013 par la 7e Division de l'armée nigériane, une unité créée par l'ancien président Goodluck Jonathan. Elle est demeurée la principale unité contre-insurrectionnelle sous la présidence de Muhammadu Buhari, un ancien général.

Reuters n'a pas reçu de réponses à des questions détaillées adressées au cabinet du président Buhari, au ministère de la Défense, au QG de l'armée à Abuja, la capitale fédérale, ni au commandement de la 7e Division, à Maiduguri.

Contacté par Reuters, un porte-parole de Goodluck Jonathan a déclaré que l'ancien président n'avait "jamais eu connaissance de quelconque allégation d'actes aussi abominables".

UN CRIME DE GUERRE ?

L'avortement au Nigeria, pays de culture chrétienne dans le Sud, musulmane dans le Nord, est illégal à l'exception des cas où la vie de la mère est en danger.

Dans le nord du pays, toute personne reconnue coupable d'avoir participé à un avortement, y compris la femme enceinte, peut être poursuivie pour meurtre et se voir infliger jusqu'à 14 années de prison.

Provoquer la mort d'une femme lors d'un avortement sans consentement est également passible de la réclusion à perpétuité dans le nord du pays.

L'avortement forcé pourrait également être en infraction avec le code de conduite de l'armée nigériane, dont la plus récente version publique disponible, parue en 1967, établit qu'"en aucune circonstance, les femmes enceintes devraient être maltraitées ou tuées".

Selon quatre experts en droit interrogés par Reuters, ces avortements forcés pourraient s'apparenter à des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.

Si les avortements forcés ne sont pas spécifiquement criminalisés dans les statuts de la Cour pénale internationale, précisent-ils, ils pourraient être interprétés comme des actes de torture ou de traitement inhumain et poursuivis en tant que tels.

Melanie O'Brien, professeure de droit international à l'université d'Australie-occidentale, estime que la vulnérabilité des femmes et le jeune âge des victimes pourraient être considérés comme des circonstances aggravantes.

Selon un principe du droit international connu sous le nom de "responsabilité du commandement", l'état-major pourrait être tenu pour responsable pour des crimes commis par les troupes qu'il supervise, même si les soldats n'agissaient pas sur ordre, ajoute-t-elle.

Presque toutes les sources interrogées par Reuters dans le cadre de cette enquête ont pris des risques en s'exprimant. Tous les soldats, gardes et employés de santé ont demandé à rester anonymes. Fati et la plupart des autres femmes ayant subi des avortements ont demandé à ne pas voir cité leur nom de famille.

Seules Bintu Ibrahim et Yagana Bukar ont accepté, après avoir reçu des menaces de mort de certains soldats, parce qu'elles vivent désormais à l'étranger.

Les généraux Akpor et Musa contestent l'idée que les anciennes captives soient traitées de la sorte par les autorités. Des milliers de combattants se sont rendus aux autorités, avec femmes et enfants, depuis la mort d'Abubakar Shekau en mai 2021 et le gouvernement de l'Etat de Borno fournit un abri dans des camps à ces nouveaux arrivants, dont des femmes enceintes, disent-ils.

DES GIFLES ET DES COUPS

Les médicaments utilisés étaient le misoprostol, utilisé contre les ulcères et qui facilite le travail lors des contractions, et la mifépristone, un stéroïde employé pour l'avortement chimique, selon les documents consultés par Reuters. L'ocytocine, utilisée pour provoquer des contractions, était parfois également administrée sur les bases militaires pour déclencher l'avortement, ont déclaré deux soldats ayant employé cette procédure.

Utiliser l'ocytocine pour provoquer un avortement est une pratique dangereuse, selon plusieurs experts médicaux, en particulier lorsqu'elle est administrée par injection intramusculaire, comme c'était le cas selon ces deux militaires. Le traitement peut se révéler fatal s'il est administré trop rapidement, ont relevé ces experts.

Le misoprostol et la mifépristone sont considérés comme sûrs pour un avortement dans le cadre d'un protocole médical standard, selon l'Organisation mondiale de la santé.

Les femmes en mauvaise santé ou à risque doivent être surveillées en raison du risque accru de complications telles que des hémorragies ou des infections.

Selon de multiples sources, des données hospitalières et des listes de l'armée sur les procédures d'avortement, des avortements chirurgicaux ont été également pratiqués.

Si les femmes refusaient l'avortement, a déclaré un employé de santé, "nous attachions leurs bras et leurs jambes à un lit". Et "si elles se défendaient, nous empêchant de réaliser la procédure, nous leur donnions des calmants légers pour qu'elles s'endorment".

Certains soldats et gardes ont ajouté que leurs collègues frappaient des femmes. "Des gifles, des coups de canne, de crosse, tout ce qu'ils pouvaient trouver", se souvient un militaire qui dit avoir été témoin de telles violences.

Une femme, alors âgée de 24 ans, se rappelle avoir été insultée et frappée pendant son avortement chimique dans une caserne en 2018. "L'un des soldats m'a frappée, en me disant : 'c'est un enfant bâtard d'une grossesse Boko Haram'." "Il m'a frappée avec un pistolet", a-t-elle dit.

Le nom de cette femme apparaît sur une liste de 2018, vérifiée par Reuters, des patientes sur ce site. Des interviews et d'autres documents indiquent qu'elle figure parmi plusieurs milliers de femmes qui se sont fait avorter sur cette seule base, non identifiée pour la sécurité des témoins.

Il est impossible de chiffrer le nombre exact d'avortements pratiqués depuis près de dix ans. Reuters est parvenu à une estimation d'au moins 10.000 à partir de trois sources : 155 procédures individuelles inscrites sur des registres de patientes; au moins 3.900 avortements pratiqués sur plusieurs années par un soldat sur une base militaire; et 7.000 ou plus sur un autre site décrit par trois soldats et un garde. Reuters a arrondi à 10.000 car des cas pourraient se recouper.

Ce bilan pourrait être largement sous-estimé. Parmi les 33 femmes interrogées par Reuters, 17 ont déclaré que l'avortement concernait des groupes allant d'une poignée à 50 ou 60 en même temps, ce qui suggère que ces témoignages ne saisissent qu'une portion de la réalité.

Selon des notes prises par deux gardes entre mars 2013 et février 2019 et transmises à Reuters, le nombre de femmes transportées vers des centres d'avortement dans la région de Maiduguri a dépassé 15.000.

CHASSÉE PARCE QU'"IMPURE"

Parmi les femmes forcées à avorter figurait Hafsat, une adolescente âgée de 14 ou 15 ans, maigre et couverte de piqûres de moustiques à son arrivée dans un camp de l'armée en mars 2019, selon un soldat présent ce jour-là.

Lui et d'autres militaires lui ont injecté ainsi qu'à trois autres femmes de l'oxytocine alors qu'elles étaient allongées au sol à l'extérieur d'un dispensaire militaire.

En moins d'une heure, raconte ce soldat, Hafsat s'est mise à pleurer, saignant abondamment entre les jambes. Le militaire a pris un vêtement pour tenter d'étancher le sang. Hafsat a ensuite hurlé le nom d'un homme, Ali, et de sa mère.

"Une demi-heure après, elle est devenue calme, elle était morte", ajoute le soldat, qui a enterré la jeune fille avec l'aide de plusieurs camarades. "Je ne pourrai jamais oublier son nom."

Un autre militaire également présent a confirmé son témoignage.

Au total, huit sources, dont quatre soldats, disent avoir assisté à des décès ou avoir vu des corps de femmes décédées à la suite d'avortements.

Le cas de Hafsat illustre également un autre aspect du programme : nombre des victimes de ces avortements forcés étaient des mineures.

Sur les 33 femmes interrogées par Reuters, huit ont déclaré qu'elles s'étaient fait avorter alors qu'elles avaient moins de 18 ans, l'âge de la majorité au Nigeria.

Trois sources disent avoir pratiqué ou assisté à des centaines d'avortements de mineures.

Les femmes qui ont survécu aux kidnappings, aux viols et aux avortements disent endurer de nouvelles souffrances quand elles tentent de recommencer leur vie.

La plupart sont pauvres, vivent dans une société ruinée par la guerre, minée par les pénuries de nourriture et de médicaments. Certaines se sont installées chez des proches ou des amis, ou vivent dans des camps de déplacés. D'autres se retrouvent seules.

Une femme explique qu'elle ne peut plus habiter dans sa ville de Yola, dans l'Etat d'Adamawa, parce qu'elle est considérée comme impure. "Je suis allée dans la famille de mon père. Il m'a chassée, déclarant ne pas pouvoir résider au même endroit que quelqu'un aux mains de Boko Haram. Alors je suis partie."

Fati, elle, est retournée dans sa ville natale de Monguno avec ses parents. Elle se souvient que, jeune fille, elle nourrissait de nombreux espoirs. Fille d'agriculteurs, elle étudiait l'islam et sa famille lui avait trouvé un mari. Elle rêvait de devenir médecin.

"Ma vie était remplie de joie, au début." Désormais, elle ne se sent plus en sécurité et ses ambitions se sont évanouies.

"J'ai changé d'avis sur eux", dit-elle. "Les médecins n'ont pas de coeur." (version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Kate Entringer)