LA ROCHELLE (awp/afp) - "Fuite des talents", bataille des droits... Malgré de nombreux succès pour la fiction française, les chaînes de télé continuent de chercher la parade aux plateformes comme Netflix et consorts, tout en collaborant de plus en plus avec ces géants aux "poches très profondes".

Le point sur les questions soulevées cette semaine au festival de la Fiction de la Rochelle.

Des succès encourageants

Les productions locales ont toujours la cote : en 2020, plus aucune série étrangère ne figure au classement des 20 meilleures audiences télé pour une fiction, selon une étude du CSA.

Et en 2021, TF1 a renoué avec des scores jamais vus depuis 15 ans grâce à "HPI". La série portée par Audrey Fleurot "vient d'être vendue dans 15 pays" et des négociations sont en cours pour une adaptation aux Etats-Unis, s'est félicité le PDG du groupe, Gilles Pélisson, lors d'un débat réunissant patrons de chaînes, auteurs et producteurs.

Chez Arte, on se réjouit du phénomène "En Thérapie" (53 millions de vues sur arte.tv), tandis que la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, clame sa "fierté" de voir "Laëtitia" de Jean-Xavier de Lestrade diffusée sur la prestigieuse chaîne américaine HBO.

Fuite des talents

"On vit une bonne période pour la création", selon Delphine Ernotte.

Mais il faut composer avec des acteurs qui "ont des poches extrêmement profondes" et les moyens d'attirer les créateurs, a expliqué Gilles Pélisson. "Beaucoup de scénaristes et réalisateurs" lui ont ainsi indiqué pendant le festival ne pas être disponibles pour TF1 car ils "bossaient" pour Netflix ou Amazon. "On est dans la rareté des talents", estime-t-il, vantant la stratégie de TF1 d'en faire émerger de nouveaux grâce à ses feuilletons quotidiens ("Ici tout commmence" et "Demain nous appartient").

Le service public s'inquiète également de voir ses talents "privatisés". "On cite toujours Fanny Herrero, la très grande show-runneuse, (directrice de série), de +Dix pour cent+ qui est sous contrat Netflix", rappelle Delphine Ernotte.

Bataille des droits

Difficile aussi de garder la main sur ses pépites. Actuellement sur Disney+, "En thérapie" a été "pensée, développée avec l'aide d'Arte", a rappelé le président de la chaîne franco-allemande Bruno Patino, qui aurait aimé la rediffuser "non seulement en ligne mais aussi à l'antenne" à l'occasion du procès des attentats du 13 novembre, toile de fond de la série.

"Lorsqu'un producteur va chercher une seconde fenêtre (de diffusion) avec une plateforme c'est parce qu'il n'est pas assez financé", répond la productrice Nora Melhli.

"L'avenir, c'est l'exploitation des droits numériques", a résumé lors d'un point presse le numéro 2 de France Télé, Stéphane Sitbon-Gomez.

Partenariats en séries

Malgré tout, les partenariats avec les plateformes se multiplient : France Télévisions prépare une série d'action, "Coeurs noirs", avec Amazon. Arte coproduit en association avec Netflix "Le monde de demain", sur la jeunesse de NTM.

Et la série de TF1 "Une affaire française" sera diffusée sur la plateforme américaine Starzplay, et non sur Salto, qu'elle a pourtant lancée avec France Télévisions et M6.

Après le "Bazar de la charité", TF1 prévoit une nouvelle série avec Netflix, "Les combattantes", située pendant la première guerre mondiale. "On est passé" de budgets de "700.000 à 800.000 euros l'épisode" à "plus de 2 millions voire 3 millions d'euros (...) et ça se voit à l'écran", justifie Gilles Pélisson.

Saluées par l'ensemble du secteur, les nouvelles obligations de financement de la création française imposées aux plateformes pourraient rapporter entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros (cinéma et audiovisuel confondus) d'ici à 2023, selon une étude du cabinet NPA Conseil, spécialisé dans les médias.

La riposte TF1-M6

Les dirigeants de TF1 et M6 ont à nouveau défendu le projet de fusion de leur deux chaînes. "Il va falloir des acteurs forts, solides, qui à la fois vont être présents dans le linéaire (télévision traditionnelle) mais aussi dans le streaming", a fait valoir Gilles Pélisson.

Mais pour le patron de Canal+, Maxime Saada, ce projet "fait peser des risques sur l'écosystème local français" sans "répondre au problème mondial de la concurrence".

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