PARIS (awp/afp) - Téléfoot est-il prêt ? La chaîne de Mediapro, nouveau diffuseur majeur du foot français, lance sa campagne d'abonnements lundi à quatre jours seulement de la reprise de la Ligue 1, forte d'une expérience acquise à l'étranger mais encore loin d'avoir trouvé son public.

La quête des abonnés commence

Huit matches de Ligue 1 par semaine, autant de Ligue 2, la Ligue des champions et la Ligue Europa. Voilà la totalité des droits télévisuels dont va disposer cette saison Mediapro, le groupe espagnol à capitaux chinois qui a débarqué en France en fanfare en s'accaparant pour plus de 800 millions d'euros annuels le championnat national.

Ces quatre produits, certes extrêmement prisés par le public en France, suffiront-ils à convaincre les fans de football de débourser entre 25,90 euros (engagement d'un an) et 29,90 euros mensuels (sans engagement, ou avec un engagement d'un an couplé avec Netflix) ?

Le pari est risqué: derniers venus sur le marché de la télévision sportive payante en France, RMC Sport et beIN Sports avaient tous deux fixé leur prix d'entrée plus bas, avec une offre certes moins "premium" mais enrichie d'autres compétitions et d'autres disciplines.

Il l'est d'autant plus que Mediapro n'a pas trouvé d'accord avec tous les distributeurs, et ne sera disponible que sur les box de SFR et de Bouygues - offres qui ne sont toujours pas actives dimanche. Le très puissant Canal et son socle de fans de sport, notamment, ne proposera pas Téléfoot dans ses offres.

"Leurs droits sont très forts, leur savoir-faire existe, mais il y a un vrai sujet sur la couverture", remarque auprès de l'AFP Philippe Bailly, patron du cabinet de conseil en transition numérique NPA Conseil qui s'étonne d'un "décalage entre les moyens énormes mis en jeu et le retard pris pour les activer". Un retard conséquent: en effet, la chaîne ne compte commencer à émettre que vendredi, pile pour la reprise...

Mediapro tente lui de rassurer en mettant en avant son partenariat avec SFR, qui lui permet de co-diffuser la Ligue des champions en 2020-2021 et d'être à portée de télécommande des quelque "770.000 fans de football" estimés que compte le groupe d'Altice.

La rentabilité, pas gagné

Si ce contrat record pour le championnat français (60% d'augmentation par rapport à la dernière période) offre des perspectives nouvelles pour les clubs de L1, il s'accompagne aussi d'inquiétudes sur la capacité de Mediapro à se rentabiliser, d'autant qu'il perdra à l'été 2021 les droits de l'attirante Ligue des champions.

Dans son "business plan", le groupe audiovisuel table sur un objectif de 3,5 millions d'abonnés. A 25 euros par mois, cela lui permettrait de dépasser le milliard d'euros de recettes annuelles, à peine plus que ce qu'il doit dépenser pour ses droits, championnat français et coupes d'Europe.

"Est-ce qu'une offre purement sportive couvre 3,5 millions de foyers actuellement en France ? Je n'en suis pas sûr, surtout à ces tarifs élevés. Est-ce en revanche atteignable avec des accords de diffusion forts et des offres combinées avec autre chose, comme de la VOD ? Peut-être", pointe Philippe Bailly, qui juge "intelligent" le partenariat signé avec Netflix.

Du côté du groupe, "on n'est pas obsédés par les 3,5 millions d'abonnés. C'est un objectif mais on n'est pas ici pour gagner de l'argent le premier mois, on est ici pour créer une alternative pour regarder le foot", a récemment calmé le patron Jaume Roures.

"Savoir-faire" et "casting de rêve"

Pour attirer des fans, Mediapro répète depuis plusieurs mois qu'il dispose d'un "savoir-faire", d'une "expérience" nés de son travail en Espagne, où il est le producteur officiel du championnat.

La chaîne se veut innovante, avec comme idée "d'ouvrir la chaîne aux fans et aux clubs", qui disposeront d'une "exposition inédite" selon Julien Bergeaud, le directeur général.

Mais aussi de nouvelles caméras, de nouveaux angles, une qualité d'image accrue...

"On est là pour durer, pour avoir des offres différentes de ce que vous avez eu jusqu'à présent", insiste Jaume Roures.

Autre argument, le contrat de licence signé avec TF1, qui permet l'utilisation de la marque Téléfoot de la célèbre émission éponyme, et un "casting de rêve" promis par la chaîne pour ses journalistes et consultants, avec le duo star de TF1 Grégoire Margotton - Bixente Lizarazu aux commandes des dix meilleures affiches de L1.

"Nous avons changé un peu le monde du foot, car on a cassé le monopole qu'il y avait avant, on a montré à la Ligue et aux clubs comment avoir plus d'argent", explique sans modestie Jaume Roures. La révolution se confirmera-t-elle à l'antenne ?

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