PARIS (awp/afp) - Pour pouvoir célébrer leur mariage début 2023, les groupes de télévision TF1 et M6 doivent absolument convaincre l'Autorité de la concurrence du bien-fondé de leur union, ou risquer de devoir tout annuler dans un secteur bouleversé par les plateformes américaines.

Des auditions sont organisées lundi et mardi par cette institution, afin de négocier avec les chaînes et leurs propriétaires respectifs - les groupes Bouygues et RTL (filiale de l'Allemand Bertelsmann) - et interroger des concurrents et des représentants des secteurs concernés.

Les débats promettent d'être longs car les avis sur la fusion sont très divisés. Un rapport - non public - des services d'instruction de l'Autorité est également venu assombrir les perspectives du projet, annoncé en mai 2021.

La fusion entre TF1 et M6 entrainerait en effet la création d'un géant français de la télévision, de près de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Avec 75% des parts de marché de la publicité TV, le risque est qu'il devienne incontournable pour les annonceurs et qu'il pèse lourd dans le marché déjà conflictuel de la distribution des chaînes, ainsi que pour l'achat de programmes audiovisuels.

Pour l'Autorité, il s'agit de "problèmes de concurrence significatifs", à moins d'imposer des remèdes très importants.

Inacceptable pour les deux groupes, qui entendent unir leurs forces afin de mieux résister à la concurrence des acteurs du streaming (Netflix, Disney, Amazon ou même Youtube et Tiktok) qui grignotent leur durée d'écoute et attirent toujours plus d'annonceurs.

"La nature et l'étendue des remèdes requis dans le rapport d'instruction feraient perdre toute pertinence au projet des parties qui, dans ce cas, l'abandonneraient", ont réagi celles-ci fin juillet.

TF1 et M6, qui comptent dégager entre 250 et 350 millions d'euros de "synergies" grâce à leur fusion, ont répondu mi-août à l'Autorité en proposant des concessions plus limitées, notamment la séparation de leurs régies publicitaires pendant trois ans ou la création d'une régie séparée pour la radio (qui regrouperait celles de RTL et des Indés Radio, gérée par TF1).

Mais "il faudra sûrement aller plus loin" pour faire céder le collège de l'Autorité, a affirmé à l'AFP une source proche du dossier. Selon elle, la cession d'une chaîne secondaire comme W9, qui permettrait de réduire de quelques points de pourcentage la part de marché publicitaire, n'est plus exclue.

Un "échec" pour la France ?

Le collège - composé de 17 membres parmi lesquels des magistrats, universitaires, avocats, dirigeants d'entreprises ou représentants des consommateurs - rendra sa décision mi-octobre.

Tout l'enjeu est de savoir s'il compte redéfinir les contours du marché de la publicité vidéo, en intégrant les géants mondiaux du streaming, ce qui ferait mécaniquement baisser le poids des acteurs français. Le gouvernement a également la possibilité de passer outre un refus de l'Autorité s'il justifie de motifs d'intérêt général.

"Si cette opération ne se fait pas, ce sera un énorme échec pour la France, qui avait l'occasion de montrer la voie en Europe", a déclaré à Télérama le patron de M6, Nicolas de Tavernost, désigné pour diriger la nouvelle entité.

Ce serait aussi un sérieux coup dur pour les deux groupes, qui devront revoir plusieurs projets. Ils prévoyaient notamment la cession des chaînes TFX et 6ter à Altice, qui espère ainsi devenir le deuxième acteur publicitaire de la télévision, et le rachat des parts de France Télévisions dans la plateforme Salto.

TF1 s'est de son côté déjà désengagé d'un certain nombre d'activités liées au marketing et à la presse en ligne.

Enfin, Bertelsmann devra trouver au plus vite un nouvel acquéreur pour M6 car l'autorisation d'émettre de la chaine expire en mai 2023. Une fois celle-ci renouvelée, tout changement d'actionnaire sera interdit pendant 5 ans.

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