Les valeurs de la défense font un retour remarqué sur le devant de la scène boursière. Dès la semaine dernière, Zonebourse a fait entrer Thales dans son portefeuille Investisseur PEA. L'agression russe en Ukraine a démontré en quelques jours d'une part qu'un conflit terrestre est possible à nos portes et pas sur une zone d'opération extérieure, et d'autre part que l'Europe n'a pas de réelles capacités militaires conventionnelles. L'annonce du déblocage d'une enveloppe de 100 Mds€ par l'Allemagne pour mettre sa défense à niveau a fait tomber un tabou (Berlin n'a jamais été moteur sur la question).

Dépenses militaires mondiales sur 20 ans

Les dépenses militaires vont crescendo à l'échelle mondiale

Un rattrapage se profile

Les acteurs industriels européens de la défense vont nécessairement profiter de cette prise de conscience. "Si tous les membres de l'OTAN atteignent 2% du PIB consacré à la défense, cela impliquerait une augmentation globale de 25%, sans compter les États-Unis, ce qui entraînerait des bénéfices importants pour l'ensemble du secteur", explique Chloé Lemarie, chez Jefferies.

"Le secteur européen de la défense est en hausse de 20 % depuis le début de l'année et se négocie sur un PER de 12 fois 2023, en ligne avec sa moyenne à long terme, mais 30% en dessous de son plus récent sommet en 2018, qui était en partie motivé par la perspective d'une hausse des budgets de défense. Nous pensons que les valorisations du secteur restent attrayantes compte tenu de l'amélioration des perspectives d'augmentation des budgets de défense", juge pour sa part l'analyste de Berenberg Ross Law dans une note à ses clients datée du 28 février.

Surcroît de dépenses dans le secteur si les pays de l'OTAN remplissent l'objectif de 2% du PIB en dépenses
Surcroît de dépenses dans le secteur si les pays de l'OTAN remplissent l'objectif de 2% du PIB en dépenses

Pour défricher le terrain, une liste des principaux acteurs européens du secteur de la défense suit. Elle sera complétée par une analyse approfondie et une liste thématique mondiale très prochainement. Comme d'habitude, nos abonnés peuvent accéder aux sélections et comparer les valeurs et leurs caractéristiques à l'aide du Stock Screener, pour trouver les pépites de demain (les valeurs sont classées par capitalisation) : 

  • Airbus : le groupe d'aéronautique diversifié n'est pas forcément le meilleur cheval pour profiter de l'engouement du moment : il est présent dans la défense mais surtout dans l'aéronautique civile, qui pâtit en général des tensions internationales. Son catalogue militaire comprend des avions militaires (A400M, A330MRTT, C295 et Eurofighter), les drones, l'électronique (communications, protection, intelligence). Le groupe est aussi en coentreprise dans les lanceurs avec Safran (ASL) et dans les missiles avec BAE Systems et Leonardo (MBDA).
  • Safran : comme Airbus, le groupe est largement exposé à l'aéronautique civile (via les réacteurs, les équipements divers et les aménagements intérieurs). Dans le domaine militaire, qui pèse 24% du chiffre d'affaires total du groupe, Safran vend du matériel optronique, avionique, de navigation et des drones tactiques ainsi que des logiciels critiques.
  • BAE Systems : le grand groupe de défense britannique est présent dans tous les domaines militaires, de l'équipement du fantassin aux missiles en passant par les sous-marins, la cyberdéfense et l'aviation (via le programme Eurofighter). Icing on the cake, il se partage entre les Etats-Unis (48% des revenus), l'Europe (25%) et le reste du monde (le reste, donc).
  • Thales : le groupe français est ce qui se rapproche le plus de BAE Systems dans l'Hexagone, mais avec une empreinte beaucoup plus faible aux Etats-Unis et une plus grande diversification dans le civil. Thales tire 45% de ses résultats du militaire. Il possède en outre 35% du capital de Naval Groupe. Notez que le plus gros actionnaire de l'entreprise est l'Etat français (25,7%) juste devant Dassault Aviation (24,6%).
  • MTU Aero Engines : le groupe allemand est un important fournisseur de pièces pour les réacteurs d'avions. A ce titre, son activité est largement exposée à l'aéronautique civile, ce qui explique son moindre redressement depuis quelques jours. Boursièrement, son parcours est plus proche de celui d'Airbus que de BAE par exemple.
  • Dassault Aviation : le papa du Rafale, après avoir été celui de plusieurs générations de Mirage. La défense représente 60 à 70% des revenus, le solde étant constitué par les jets d'affaires Falcon. Il faut noter que le Rafale a le vent en poupe actuellement. A ce titre, quand un contrat est signé, tout l'écosystème français en profite : le prix d'un jet de combat se partage entre Dassault (60%), Thales (22%) et Safran (18%), mais les revenus ruissellent sur plusieurs centaines de fournisseurs.
  • Kongsberg Gruppen : sans doute le moins connu des acteurs. Le Norvégien est spécialisé dans les systèmes de propulsion maritime, mais 30% de son activité concerne des systèmes de contrôle d'armement. Kongsberg équipe par exemple le F-35 américain ou plusieurs systèmes de défense antiaérienne.
  • Rheinmetall : l'entreprise de Düsseldorf dégage plus de 60% de ses revenus de ses activités dans la défense, à la fois dans les armes et munitions et les véhicules militaires légers. Le reste de son activité tourne autour des pièces automobiles avec une exposition au diesel qui, bien qu'en réduction, a constitué une source d'inquiétude. Probablement la société la plus directement exposée à l'accroissement des dépenses militaires allemandes.
  • Leonardo : l'ex-Finmeccanica est l'un des principaux groupes industriels d'Italie. Il opère principalement dans le domaine militaire et plus généralement dans l'aéronautique dans son ensemble. On peut parler à ce titre de groupe généraliste. Ses expertises particulières vont à l'hélicoptère, avec Agusta Westland. Mais Leonardo est présent dans de nombreux autres domaines de l'électronique de défense, ce qui lui permet de réaliser 30% de ses revenus aux Etats-Unis.
  • SAAB : le groupe suédois fait partie des acteurs de seconde ligne du secteur de la défense au niveau boursier, mais dispose lui aussi d'une belle diversification. Malgré une concurrence sévère des géants du secteur, l'entreprise parvient à vendre à l'international son jet de combat Gripen, moins performant mais à prix plus doux. Elle est aussi réputée pour ses systèmes électroniques comme le système AWACS GlobaEye.
  • QinetiQ : jadis laboratoire de la défense britannique, l'entreprise est toujours étroitement liée au ministère de la défense de la Perfide Albion, via des contrats pluriannuels. Il en résulte une forte dépendance au Royaume-Uni (environ les trois-quarts des revenus). Son offre d'ingénierie est aussi ouverte sur l'international.
  • Hensoldt : l'ancienne filiale d'Airbus spécialisée dans les radars est très exposée à l'Allemagne, son pays de domiciliation, qui détient d'ailleurs 25,1% du capital. Une part identique est aux mains de Leonardo. C'est le dossier avec le plus gros effet de levier sur les annonces récentes, comme le montre son envolée de 50% en séance.