Pourquoi Thales chute en bourse ?
La publication des résultats s'est accompagnée d'un léger ajustement en baisse de l'objectif de marge. Le marché est exigeant avec un titre qui a largement progressé en 2022, 2023 et 2024, sur fond d'accroissement des tensions géopolitiques et des dépenses de défense.
Dans le détail : des résultats solides, mais…
Au cours du premier semestre 2024, Thales a enregistré un chiffre d'affaires de 9,5 milliards d'euros, en hausse de 8,9% par rapport à l'année précédente. Les commandes ont atteint un niveau record de 10,8 milliards d'euros, en progression de 23% en données organiques, ce qui permet de maintenir le ratio commandes / facturations dans la zone adéquate. Le bénéfice net a bondi de 57% pour s'établir à 1,02 milliard d'euros, tandis que le résultat opérationnel (EBIT) a augmenté de 10,4 % pour atteindre 1,1 milliard d'euros, générant une marge d'EBIT de 11,5%.
Ces résultats ont été principalement portés par la forte demande dans le secteur de la défense et de la sécurité, avec des commandes majeures telles que les avions Rafale pour l'Indonésie et des systèmes de surveillance aérienne au Moyen-Orient. Le carnet de commandes de Thales atteint désormais 47 milliards d'euros, un niveau qualifié d'historique par la société.
Malgré ces performances solides, Thales a ajusté ses prévisions pour l'exercice 2024, ce qui a suscité des inquiétudes sur les marchés. La société anticipe désormais une croissance organique de son chiffre d'affaires de 5% à 6%, contre une fourchette précédente de 4% à 6%. Cependant, la prévision de marge opérationnelle a été resserrée vers le bas, passant de 11,7% à 12% à une nouvelle fourchette de 11,7% à 11,8%.
Cette révision à la baisse de la marge opérationnelle est principalement due aux difficultés rencontrées dans le secteur spatial de Thales. La société a mentionné une baisse de l'activité des télécommunications commerciales, des coûts de restructuration et un maintien élevé des investissements en recherche et développement comme les principales raisons de cette révision. En mars, Thales avait déjà annoncé un plan de redéploiement de 1 300 emplois au sein de sa coentreprise spatiale avec Leonardo (Thales Alenia Space), sans départs forcés, pour tenter de restaurer la rentabilité de cette division. Le management a continué à tourner autour du pot concernant les rumeurs qui circulent sur l'existence de discussions en vue d'un éventuel rapprochement entre les activités spatiales d'Airbus. "Ce type de rumeurs ou discussions, existantes ou non, a toujours existé pendant les dix années où j'ai occupé le poste de PDG de Thales. Ce n'est donc pas nouveau pour moi… Et il n'est pas nécessaire de faire d'autres commentaires. Nous devons nous concentrer sur ce que j'appelle le plan A, qui consiste à restructurer l'entreprise et à la remettre sur les rails d'ici 2027, comme je l'ai déjà expliqué", a indiqué Patrice Caine.
Qu'en pensent les investisseurs ?
La réaction des marchés ne s'est pas fait attendre. L'ajustement des prévisions de marge a été perçu comme un signe de prudence face aux défis persistants dans le secteur spatial, malgré les solides performances globales de l'entreprise. Les investisseurs, toujours attentifs aux marges de profitabilité, ont réagi négativement, entraînant une baisse significative du cours de l'action.
UBS note aussi que la génération de trésorerie est décevante, du fait de la hausse des stocks, et que l'EBIT de l'Aéronautique était inférieur de 10% aux attentes du consensus, à cause de l'Espace. Cette division devrait rester dans le rouge sur l’année.

Les analystes sont plutôt cléments avec les performances du groupe, notamment ceux qui sont acheteur du dossier, comme c'est souvent le cas. La réaction du marché, plus radicale, tient aussi au fait que des acteurs plus petits du secteur de la défense surperforment les grands groupes en bourse, créant un biais d'ancrage et des exigences élevées. Mais le renforcement des dépenses militaires est moins visible chez Thales et BAE Systems que chez Rheinmetall ou Saab, dont les carnets de commandes étaient moins garnis avant la guerre en Ukraine.
Le leader français s'en sort donc honorablement, mais sans le petit supplément d'âme que le marché recherche avec les acteurs de la défense, censés profiter à plein d'un super-cycle d'investissement des Etats.