Stephen Wilmot,

The Wall Street Journal

Que la bataille de la peinture commence.

Annoncée mardi, la cession du pôle chimie de spécialité d'Akzo Nobel au fonds d'investissement américain Carlyle et au fonds souverain singapourien GIC donnera naissance à une entreprise spécialisée dans les revêtements, de nature à appâter les géants américains de la peinture Sherwin-Williams et PPG Industries. Si des opérations de rapprochement semblent probables dans un secteur en pleine consolidation, il reste difficile d'anticiper les alliances qui pourraient se nouer.

A 10,1 milliards d'euros dette incluse, soit environ 10 fois l'excédent brut d'exploitation de l'an dernier, Akzo a obtenu un prix plus élevé qu'attendu pour sa division, dont les produits de niche sont utilisés dans des secteurs aussi variés que les cosmétiques ou la construction.

La "majeure partie" du produit de cette cession sera redistribuée aux actionnaires, a précisé le géant néerlandais de la peinture. Akzo a bien besoin de se refaire un capital sympathie après avoir rejeté plusieurs offres d'achat de PPG l'an dernier, malgré des appels à la négociation de plus en plus pressants d'actionnaires clés, comme le fonds activiste Elliott Management.

Ce bras de fer a clairement montré qu'une offre hostile sur Akzo était trop risquée dans le cadre de la législation néerlandaise. Pour tout candidat potentiel, l'idéal serait que la direction se montre plus encline à négocier sous la houlette du nouveau président du conseil de surveillance Nils Anderson, qui prendra les rênes du groupe le mois prochain. Le président sortant, Antony Burgmans, était considéré comme l'un des principaux obstacles aux discussions.

Or rien n'est moins sûr. Le nouveau président du directoire, Thierry Vanlancker, semble lui-même avoir quelques cibles en ligne de mire. Le dirigeant a notamment tenté d'orchestrer à la fin 2017 une fusion avec le spécialiste américain de la peinture automobile Axalta Coating Systems et, sans doute encouragé par la cession de la chimie de spécialité, a souligné mardi en conférence téléphonique avec les médias et investisseurs qu'Akzo Nobel n'hésiterait pas à examiner les opportunités d'acquisition.

Reste que les relations encore fragiles qu'entretient Akzo avec ses actionnaires limitent la marge de manoeuvre dont dispose Thierry Vanlancker pour proposer une prime d'acquisition. Les discussions entre Akzo et Axalta ont été interrompues après une contre-proposition du concurrent japonais d'Axalta, Nippon Paint, qui laissait présager une surenchère.

Les patrons du secteur anticipent toujours de nouvelles fusions, en raison notamment de la hausse des coûts des matières premières. PPG et Sherwin-Williams ont tous deux rappelé lors des conférences de présentation de leurs résultats en janvier qu'ils étaient prêts pour des acquisitions. Le patron d'Axalta, Charles Shaver, a pour sa part mentionné, lors d'une conférence investisseurs organisée ce mois-ci par J.P. Morgan, deux grandes opérations potentielles.

Pour autant, les raisons qui ont conduit à l'échec des opérations envisagées l'an dernier n'ont pas disparu. En réalité, l'alliance la plus cohérente sur le plan financier - une acquisition d'Akzo par PPG - semble encore plus délicate maintenant en raison de la dépréciation du dollar face à l'euro.

L'industrie de la peinture reste mûre pour une consolidation. Mais ses acteurs devront tirer les leçons des tentatives infructueuses de l'an dernier.

-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH