par Mathieu Rosemain, Andres Gonzalez et Iain Withers

PARIS/LONDRES, 2 août (Reuters) - Le possible rachat par BNP Paribas de la branche de gestion d’actifs d'AXA va susciter d'autres accords de ce type, veulent croire des analystes, alors que les gestionnaires européens tentent de peser face à leurs rivaux américains et que les clients réclament des investissements bon marchés axés sur la technologie.

BNP Paribas a annoncé jeudi être entré en négociations exclusives en vue d'acquérir 100% d'AXA Investment Managers pour 5,4 milliards d'euros, une opération qui donnerait naissance à l'un des plus grands fonds de gestion avec environ 1.500 milliards d'euros d'actifs.

La banque française a également fait part de son intention de nouer un partenariat de long terme avec l'assureur pour la gestion d'une large part de ses actifs.

Les termes de cet accord ont été obtenus après une bataille d'enchères de plusieurs semaines entre BNP Paribas et ses rivaux, dont des Américains et le plus grand gestionnaire d'actifs d'Europe, Amundi, ont déclaré trois personnes directement au fait du dossier.

Il intervient alors que les gestionnaires de fonds européens sont sous pression pour se renforcer face à des concurrents américains plus importants comme BlackRock, Vanguard et les fonds d'investissement des banques de Wall Street, comme JPMorgan et Goldman Sachs, dont beaucoup souhaitent se développer en Europe.

Les grands fonds américains ont un avantage dans ce secteur, autrefois centré sur des gestionnaires vedettes hautement rémunérés, mais qui est devenu plus économe en se tournant vers des gammes d'actions, obligations et autres titres plus standards.

Pour ne rien arranger, les fonds européens ont récemment eu du mal à maintenir leurs rendements sur des marchés volatils, tandis que la forte inflation dans la région a également fait grimper leurs coûts.

"Je pense que ce sera la première d'une longue série", a déclaré Joe Dickerson, analyste chez Jefferies. "Cela va probablement inciter d'autres entreprises à agir, car cela crée une force majeure dans la gestion d'actifs européenne."

Le mantra des gestionnaires d'actifs est "go big or go home" (en français, "mets le paquet ou rentre chez toi"), explique l'une des sources, selon qui la plupart des sociétés de gestion - en particulier celles de taille moyenne et sous pression - sont "essentiellement à vendre".

COURSE AUX ENCHÈRES

La course aux enchères pour remporter l'accord a été rude entre les gestionnaires d'actifs rivaux, dont Amundi, propriété de Crédit Agricole, et des candidats américains, ont déclaré les trois sources.

Amundi, BNP Paribas et AXA ont refusé de commenter.

D'autres banques européennes devraient tenter de suivre l'exemple de BNP Paribas en développant leur activité de gestion d'actifs, estime Joe Dickerson de Jefferies, tout en cherchant des moyens d'augmenter leurs frais.

La baisse progressive des taux d’intérêt offre également un potentiel supplémentaire aux gestionnaires de fonds traditionnels tels qu’AXA. Mais pour cela, ils doivent parvenir à récupérer une partie des milliards de dollars parqués des fonds monétaires ("Money market funds"), des investissements qui réagissent aux taux directeurs.

Après une lente montée en puissance, les négociations ont accéléré au cours des dernières semaines, aboutissant à des discussions entre BNP Paribas et AXA - menées par les directeurs généraux respectifs de chaque groupe, Jean-Laurent Bonnafé et Thomas Buberl - qui ont finalisé l'accord, a déclaré l'une des sources.

Les deux dirigeants ont également discuté à plusieurs reprises des conditions, a déclaré une autre source impliquée dans le dossier, ajoutant qu'AXA étudiait depuis plusieurs mois des options pour sa branche de gestion d'actifs.

Amundi faisait partie d'une petite liste d'entreprises en compétition pour l'opération, ont indiqué les trois sources.

Le risque d'un rachat d'AXA IM par le géant Amundi est sans doute à l'origine du prix élevé proposé dans l'accord, a indiqué une des personnes. Les sources ont requis l'anonymat car les discussions se déroulaient à huis clos.

La valeur totale estimée de la transaction devrait être de 5,4 milliards d'euros, soit un multiple de 15 fois le résultat opérationnel 2023, a précisé Axa.

"Bien que cela valorise AXA IM avec (...) une prime par rapport à ses pairs comme Amundi et Schroders, stratégiquement, l'accord est logique", a déclaré Johann Scholtz, analyste actions senior chez Morningstar.

Cette acquisition serait la troisième plus importante opération jamais réalisée par BNP Paribas et la dixième plus importante dévoilée jusqu'à présent en Europe cette année, tous secteurs confondus, selon les données de LSEG, alors que l'activité de fusions et acquisitions s'intensifie après une année 2023 morose.

Il s’agit également de l’une des plus grosses transactions de ces dernières années dans le domaine de la gestion d’actifs.

Goldman Sachs a acquis le gestionnaire d’actifs néerlandais NN Investment Partners pour 1,7 milliard d’euros en 2022, mais peu de transactions importantes ont eu lieu depuis.

AXA a été conseillé par JPMorgan et Zaoui & Co, tandis que BNP Paribas avait sa propre équipe de conseil en interne, ont déclaré deux des personnes interrogées.

(Reportage Mathieu Rosemain, Andres Gonzalez et Iain Withers ; version française Kate Entringer)