Berlin (awp/afp) - L'Allemagne, première économie de l'UE, comptait rebondir fortement en 2021, mais c'était sans compter les pénuries et la poursuite de la crise sanitaire qui ont freiné la croissance, dont les chiffres sont dévoilés vendredi.

Le gouvernement a dû revoir à la baisse ses ambitions et table sur une hausse de 2,6% du PIB pour l'ensemble de l'année.

C'est presque une humiliation quand la croissance moyenne attendue dans l'UE est de 5%, selon les dernières projections de la Commission européenne, avec des envolées à 6,5% en France ou 6,2% en Italie.

C'est aussi une épine dans les plans de la coalition du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, arrivée au pouvoir en décembre avec d'importants chantiers à financer.

"L'année 2021 a été une grande déception pour l'Allemagne", résume pour l'AFP l'économiste Carsten Brzeski, de la banque ING.

A la nouvelle vague d'infections de Covid-19 en fin d'année, désormais alimentée par le variant Omicron, s'est ajouté l'impact sur le "made in Germany" des problèmes d'approvisionnement en matières premières et composants.

Pénuries durables

Pour les secteurs d'activité, notamment les services, touchés par la crise sanitaire, "les réserves sont de plus en plus maigres, les bénéfices diminuent, les investissements ralentissent", a résumé jeudi le ministre de l'Economie Robert Habeck.

Pour l'industrie, moteur de l'économie nationale, les conséquences de la crise mondiale des chaînes d'approvisionnement semblent s'installer dans la durée.

En décembre, près de 82% des entreprises interrogées par l'institut IFO ont signalé des problèmes de pénuries.

L'automobile, industrie phare, souffre particulièrement du manque de semi-conducteurs, des éléments essentiels pour la construction d'un véhicule.

Le secteur a encaissé en 2021 une nouvelle année noire, avec des immatriculations en recul de 10,1% par rapport au niveau historiquement bas de 2020.

Aucune amélioration n'est attendue à court terme: "On doit être clair: la crise des semi-conducteurs est loin d'être terminée", confiait récemment Stefan Hartung, le PDG de l'équipementier automobile Bosch, au magazine Focus.

En 2021 et 2022, ces pénuries devraient entraîner au total un manque à gagner de 100 milliards d'euros pour l'industrie allemande, a estimé jeudi l'organisation du secteur BDI.

"Malgré des carnets de commandes pleins, le manque de puces électroniques, de composants et de matières premières continuera à affecter la production pendant une longue période", estime son président Siegfried Russwurm.

Ces pénuries alimentent une inflation record, également tirée par la flambée des prix de l'énergie, qui freine le moral des consommateurs, déjà mis à mal par la crise sanitaire.

Besoin d'investissements

La situation est donc délicate pour le gouvernement d'Olaf Scholz, allié aux écologistes et aux libéraux.

La médiocre conjoncture économique pourrait réduire les marges de manoeuvre de la nouvelle coalition, qui s'est donné pour objectif des investissement massifs pour moderniser et verdir son économie.

Berlin a tout de même approuvé en fin d'année une rallonge de 60 milliards d'euros sur le budget 2021, destinée à des investissements supplémentaires, essentiellement en faveur du climat.

Le gouvernement mise sur une amélioration progressive de la situation. Selon la Bundesbank, celle-ci devrait se produire à partir du "printemps prochain".

L'Allemagne devrait connaître, en 2022, une croissance de 3,7%, selon les prévisions de l'institut IFO.

Lors de la cauchemardesque année 2020, le pays avait limité la casse avec une récession de "seulement" 4,9%.

"Dès qu'Omicron sera passé et que les problèmes de la chaîne d'approvisionnement seront résolus, l'économie allemande redeviendra rapidement la locomotive économique de la zone euro", résume Carsten Brzeski.

Robert Habeck, le premier écologiste à occuper un super ministère de l'Economie et du Climat, entend par ailleurs modifier la perception du PIB comme alpha et oméga de la politique économique.

Il souhaite, dans son rapport économique annuel, mettre en avant d'autre critères, comme la "préservation des ressources" et la "protection du climat", selon une information de l'hebdomadaire Spiegel.

afp/ck