Nous pouvons observer que le cours de bourse s’est envolé de mars à novembre 2021 avant de retomber vers ses cours d’IPO depuis : 

Source : Zonebourse

Pour comprendre Topicus, il faut d’abord comprendre Constellation Software. Fondé et dirigé par Mark Leonard, qui s'est ici très largement inspiré de l'exemple de Warren Buffett chez Berkshire Hathaway (notamment dans la stratégie d'acquisitions, la structure à très bas coûts de la holding et le parfait alignement des intérêts entre actionnaires et équipes dirigeantes), Constellation Software est un conglomérat et un "serial acquirer" concentré dans le domaine du logiciel, plus particulièrement le domaine des VMS (Vertical Market Software).

Les VMS sont traditionnellement des logiciels spécialisés pour un métier ou un secteur en particulier. Il s'agit généralement de produits de niche, réservés à un usage bien particulier, et développés "sur mesure" (c’est-à-dire à la demande d'un client spécifique) par de petites équipes indépendantes. Sur le papier, pour un investisseur, les VMS sont donc moins séduisants que les logiciels déclinables dans toutes sortes d'industries et pour toutes sortes d'usages. Néanmoins comme le secret d'un investissement réussi est souvent d'aller là où personne ne va, c'est le domaine qu'a choisi Constellation Software pour faire ses emplettes et grossir. 

Et à voir son cours de bourse depuis son IPO, c’est plutôt réussi. Le titre Constellation Software s’est apprécié de plus de 11.000% depuis 2006 contre à peine 200% pour le S&P 500 et 70% pour son benchmark, l’indice canadien TSX Composite. Oui le trait rouge en bas, c’est le S&P 500. 

Source : Zonebourse

Historiquement, la croissance organique est cependant relativement faible chez CSU. Là où Mark Leonard a brillé, c'est sur le ROI (Return on investment) de ses opérations de croissance externe. Même sur les quinze dernières années, c’est-à-dire après avoir déjà atteint une certaine masse critique, CSU est parvenu à croître ses FCF (Free Cash Flow) à une moyenne annualisée de 25%. Le tout, sans dette ni augmentation de capital, mais en réinvestissant simplement ses cash-flow : c'est tout simplement ébouriffant et aucun comparable ne vient à l'esprit. Il y a beaucoup de serial acquirers performants (quoiqu'il faut se méfier des effets de mode car à long terme il n'en reste plus tant que ça) mais aucun avec de tels ROI sur leur stratégie de croissance externe, ni cette façon de l'autofinancer (les comparables sont généralement de gros consommateurs de dette). 

Le secret de cette réussite : 

  1. Une stratégie d'acquisition hyper-rationnelle à la Warren Buffett ; 
  2. Une niche bien définie (les VMS) qui n'intéressent donc pas trop la compétition à l'achat type private equity ou les grands groupes de softwares pour les raisons mentionnées plus haut ; 
  3. Une culture d'entreprise et un management d'élite, sous la direction de Mark Leonard. 

Comment ne pas avoir confiance en ce monsieur ? (il me fait penser à Gandalf)  : 

Le parcours de Constellation (CSU) en Amérique du Nord est donc hors du commun. L'ambition est désormais de reproduire cet exploit en Europe via Topicus, séparé de la holding et construit autour de l'ancienne filiale néerlandaise de CSU : TSS (elle-même une sacré success story entrepreneuriale.) 

Topicus (TOI) a à peu près la taille qu’avait Constellation Software en 2010. Avec une taille plus petite, il est plus probable que TOI réussisse à multiplier plus rapidement que CSU leur chiffre d’affaires et le nombre d’acquisitions qu’ils réalisent dans les années à venir. 

CSU détient toujours 48,9% du capital de Topicus et il est très certain qu'ils n'allègeront pas cette participation. Pour information, le second actionnaire avec 7,3% du capital est le très réputé fonds "value" Akre Capital. On est mis en confiance avec de tels actionnaires de référence. Entre un management d'élite issu de TSS et CSU et de tels actionnaires, plus une stratégie claire (poursuivre la stratégie de CSU en Europe, un marché très riche en VMS mais encore très fragmenté), tous les ingrédients du succès sont réunis.

Les 10 principaux actionnaires de Topicus : 

Source : Zonebourse

Si l’on regarde en arrière dans le passé de TOI, anciennement TSS, ils ont réalisé 8 acquisitions de 2006 à 2012 avant de passer sous l’ombrelle CSU pour un CAGR (croissance annualisée du chiffre d’affaires) de 31%. A partir de 2013, dans le giron de CSU, TSS a multiplié les acquisitions (passant de 2 à 10 par année). TSS a annoncé son IPO dès 2020 parallèlement à l'acquisition de Topicus (le groupe TSS a repris le nom de leur acquisition Topicus depuis). Topicus est ainsi à la fois une ombrelle (comme CSU l’est aussi de son côté) et une business unit. Il existe deux autres business units : TSS blue et TSS Public. Chacune de ces trois unités est concentrée sur un marché spécifique. 

Je suis plutôt rassuré sur le fait que Topicus réussira à continuer de croître et d’acquérir de belles sociétés sur le long terme. Les entreprises qui passeront sous le giron de Topicus bénéficieront d’une autonomie totale et d’une liberté dans la gérance tout en accédant au capital, à la puissance de feu et aux services administratifs partagés tels que les ressources humaines, la comptabilité et le soutien juridique. 

Topicus possède une position dominante dans certains marchés verticaux néérlandais, des logiciels spécifiques uniques, un historique opérationnel de haut vol, une structure décentralisée donnant de la responsabilité et de la souplesse aux gérants et une équipe de direction ayant du “bon sens paysan” pour acquérir des belles sociétés au bon prix et qui pense ses investissements dans la durée. 

Topicus (TOI) fait donc des acquisitions en Europe, sur un marché très fragmenté (plus qu’en Amérique du nord) en raison des différentes langues parlées et des normes administratives propres à chaque pays. TOI est en concurrence avec des sociétés de capital-investissement mais là aussi, il semble qu’il y ait moins de concurrence que son grand frère CSU en a eu en Amérique du Nord. Troisième avantage pour Topicus : l’Europe abrite 22% des éditeurs de logiciels mais ces derniers ne reçoivent que 5% des financements mondiaux (source : Crozdesk). 

Donc quand on assemble ces ingrédients il n'y a qu'une seule conclusion qui ressort : je veux en être moi aussi ! Mais à quel prix et dans quel plat je mets les pieds ? Sur quel modèle me reposer ? Comment valoriser l'action ? Y a t il une marge de sécurité ? Ok pour en être, mais je ne veux pas non plus surpayer et l'action semble volatile ! 

D’accord d’accord, je comprends. Posons-nous quelques instants pour faire un topo. La thèse d’investissement sur Topicus est en réalité assez simple à défricher. C'est un cas typique de situation où l'on doit privilégier la simplicité et ne pas trop s'encombrer de détails. 

A partir de là deux options se présentent à nous : 

  1. Premièrement, comme on le disait, établir un modèle financier compliqué où on projette des taux de croissance organique et externe séparés, des pourcentages de revenus des activités de maintenance, de services, etc. Le problème, c’est que ce sera forcément inexact et quand il y a beaucoup de variables au niveau de "input", nous pouvons être certain que le "output" sera erroné. Il faut donc essayer de raisonner de la manière la plus simple et la plus essentielle possible. Bonne nouvelle pour Topicus : on peut le faire avec un modèle simple. 
  2. Deuxièmement : Construire un modèle simple que je joins ici à mon analyse fondamentale sur la valeur. L'idée est de faire une estimation la plus simple possible du rendement de son investissement sur la prochaine décennie. C'est imprécis bien sûr mais assumé tel quel. Par ailleurs l'avantage de ce modèle est qu'il est très facile à vérifier au fur et à mesure (on peut sans peine s'assurer que l'entreprise délivre à hauteur des "input" limités) dans le temps. 

Voici donc un modèle simple pour estimer la valeur intrinsèque de l’action Topicus : 

(cliquez pour zoomer)

En prenant des hypothèses d’évolution de chiffre d’affaires (CAGR) et de profitabilité (marge FCF) relativement conservatrices, nous tombons sur une valeur intrinsèque de 74 CAD dès 2023 en cas de reprise du marché (version optimiste) et de 49 CAD dans un scénario neutre. A long terme, dans 10 ans, les actions Topicus pourraient coter entre 191 CAD (scénario pessimiste) et 380 CAD (scénario optimiste). Il s’agit d’un no-brainer à mon sens pour un investisseur long terme et une excellente opportunité d’achat. A noter les achats d'insiders répétés cette année autour de 68 CAD par action.