Paris (awp/afp) - Confrontées à l'impossibilité de tenir leurs assemblées générales en période de confinement, de nombreuses sociétés vont expérimenter cette année la dématérialisation de leurs assemblées générales d'actionnaires, avec ou sans report dans le temps.

Ces rendez-vous annuels qui se tiennent pour la plupart au printemps constituent une obligation juridique, mais avec l'interdiction des rassemblements, puis la mise en place du confinement, leur organisation cette année dans leur format habituel était devenue impossible.

Par une ordonnance prise le 25 mars, le gouvernement autorise la tenue d'assemblées générales sans présence physique des actionnaires "y compris lorsque les règles qui les régissent normalement ne le prévoient pas".

"Il y a un motif d'ordre public qui impose le confinement et qui passe par dessus les statuts" de chaque société, explique-t-on à Bercy.

"Les ordonnances sécurisent juridiquement les entreprises, notamment dans le cas où il est impossible de réunir les gens physiquement mais où il sont réunis par audioconférence ou visioconférence", détaille-t-on de même source. Le texte a fait l'objet de concertations préalables avec les acteurs concernés.

"Il y a un vrai assouplissement et c'est positif, car il est important que les entreprises se mettent en position de faire approuver leurs comptes", a déclaré à l'AFP Patrick Bertrand, le président du comité gouvernance des entreprises du Medef.

Les "circonstances hors du commun nous ont amené à décider - exceptionnellement - de renoncer à la présence physique de nos actionnaires lors de l'assemblée annuelle d'AXA", explique de son côté Thomas Buberl, le PDG de l'assureur, dans un communiqué.

Le conseil d'administration de Total a décidé pour sa part de tenir physiquement son assemblée générale prévue le 29 mai, mais encourage les actionnaires à "exercer leur vote par correspondance ou par internet, sans se déplacer".

L'exploitant du tunnel sous la Manche Getlink n'a lui pas encore défini les modalités de son assemblée prévue le 30 avril mais "invite dès maintenant à anticiper et à privilégier une participation à l'assemblée générale par les moyens de vote à distance mis à disposition".

le huis clos possible

En cas de visioconférence ou d'audioconférence, les moyens techniques mis en oeuvre doivent permettre "l'identification des membres de l'assemblée" et "la retransmission continue et simultanée des débats", selon un document publié sur le site de la direction générale du Trésor.

Mais ces moyens ne sont "qu'une option", car si vérifier l'identité des participants s'avère possible avec les actions nominatives, la question devient plus épineuse pour celles "au porteur", qui peuvent être rassemblées dans un compte comme un PEA et géré par exemple par une banque ou une assurance.

M. Buberl "encourage les actionnaires à voter massivement par correspondance et à envoyer par avance et par écrit toutes les questions qu'ils pourraient avoir pour l'assemblée".

Aussi, l'ordonnance prévoit-elle que les sociétés puissent opter pour un huis clos dans lequel "d'autres modes de participation peuvent être mis en oeuvre" comme le vote à distance et "la consultation par un acte recueillant le consentement de ses membres", selon le document publié par Bercy.

Dans ces cas, "les actionnaires auront voté en amont" et les débats au sein du bureau de l'assemblée, qui ne réunit typiquement qu'entre cinq et dix membres, seront diffusés par internet en direct ou en différé, explique Delphine Gieux, la vice-présidente du comité de gouvernance des entreprises du Medef.

Pour les plus petites sociétés comme les SARL qui ont le droit d'avoir recours à la consultation écrite, celle-ci pourra être utilisée même lorsque les statuts ne le prévoient pas.

Mme Gieux salue le "pragmatisme" du gouvernement mais estime que "2020 restera au niveau des assemblées générales comme une année de grande frustration", en l'absence d'un "moment privilégié".

Enfin, une des trois ordonnances sur le sujet prévoit que le délai légal pour tenir les assemblées générales est prorogé de trois mois, ce qui veut dire fin septembre pour la plupart d'entre elles.

"Si la situation actuelle était amenée à s'étendre jusqu'à fin mai, fin juin, ou juillet comme ce qu'on a pu entendre au Royaume-Uni, assez naturellement, il faudra revoir ce décalage", avertit toutefois M. Bertrand.

afp/al