PARIS (Reuters) - La quatorzième journée de mobilisation organisée mardi contre la réforme des retraites a semblé marquer la fin probable de ce format de contestation entamé il y a six mois à l'appel de l'intersyndicale, la suite du mouvement étant suspendue à l'examen jeudi, à l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi visant à abroger le texte.

Quelques 900.000 personnes ont manifesté dans toute la France selon la CGT, 281.000 selon le ministère de l'Intérieur, l'estimation la plus faible des autorités depuis le début de la mobilisation en janvier.

La dernière journée de contestation, le 1er mai, avait réuni 2,3 millions de personnes d'après la CGT, un peu moins de 800.000 manifestants d'après le ministère de l'Intérieur.

A Paris, le cortège a rassemblé 300.000 manifestants selon la CGT, 31.000 selon la préfecture de police, qui a fait état d'une trentaine d'interpellations.

"Le match est en train de se terminer, qu'on le veuille ou non", a lui-même reconnu en marge de la manifestation parisienne le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dont le mandat s'achève à la fin du mois.

La loi réformant le système des retraites a été validée en avril par le Conseil constitutionnel et les premiers décrets d'application, dont celui portant sur la mesure la plus décriée du report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, ont été publiés dimanche au Journal officiel.

"Les travailleurs savent bien que sur le sujet des retraites avec un décret sur les 64 ans qui est publié, ça devient de plus en plus compliqué", avait déclaré Laurent Berger plus tôt dans la matinée sur Europe 1.

Dans le cortège parisien, certains manifestants n'ont pas hésité non plus à évoquer une "dernière" journée de contestation dans la rue.

"Là on se sent dans la dernière ligne droite, c'est la dernière manifestation où on peut porter notre colère", a déclaré à Reuters Guilhem Plantarroze, adhérent à la CFDT de 47 ans, qui travaille dans l'aéronautique.

Du côté de la CGT, la secrétaire générale, Sophie Binet, a assuré mardi vouloir "continuer à (se) battre pour que la réforme [des retraites-NDLR] ne s'applique pas".

"La mobilisation va continuer sous des formes que nous déciderons ensemble", a-t-elle déclaré en marge du cortège à Paris, en faisant référence à l'intersyndicale qui est parvenue à maintenir un front uni depuis la présentation de la réforme des retraites en janvier.

BATAILLE EN VUE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'intersyndicale devrait se réunir la semaine prochaine - et non dans la soirée comme cela a été le cas lors des précédentes journées de mobilisation - et décider des suites à donner à la contestation en fonction du scénario qui se jouera jeudi, lors de l'examen de la proposition de loi du groupe centriste Liot à l'Assemblée nationale.

Cette proposition, dernière contestation en date de la réforme au Parlement, a été vidée en commission de son article 1 abrogeant le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.

Le groupe Liot a l'intention de rétablir l'article retoqué lors de la discussion jeudi mais l'opposition craint que la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, ne dégaine l'article 40 de la Constitution qui permet de rejeter un texte avant qu'il soit discuté au motif qu'il met en danger les comptes publics.

Bertrand Pancher, co-président du groupe Liot, a dit mardi craindre "une situation de blocage dans nos institutions" avec l'utilisation de l'article 40, qui reviendrait selon lui à "bâillonner le Parlement".

"C'est une attaque frontale à la séparation des pouvoirs", a-t-il alerté devant des journalistes à l'Assemblée nationale.

"La proposition de loi Liot, je ne suis pas sûr que ça passionne les foules", rétorque-t-on mardi de source gouvernementale.

"Contents ou pas contents, les Français savent que la réforme des retraites est passée. Ils se sont exprimés sur d'autres sujets que les retraites comme les conditions de travail, la carrière des femmes, et il faut y répondre", a ajouté cette source.

"TRANSFORMER LA COLÈRE"

En visite lundi au Mont-Saint-Michel, le président Emmanuel Macron a de nouveau appelé à une "négociation la plus large" avec les organisations patronales et syndicales, disant espérer un programme de discussions "d'ici à l'été" et "des conclusions robustes d'ici à la fin de l'année".

Sur Europe 1, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé qu'il fallait désormais "transformer la colère" qui s'est exprimée dans la rue "en rapport de force pour obtenir des résultats sur le pouvoir d'achat, sur l'amélioration des conditions de travail, sur le dialogue social".

Mardi, des manifestations se sont encore déroulées dans toute la France pour protester contre la réforme et des opérations "coup de poing" ont eu lieu çà et là.

A Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), des militants CGT ont envahi à la mi-journée le siège des Jeux olympiques de Paris 2024 sans faire de dégradations.

Des perturbations ont également été observées dans la raffinerie de TotalEnergies de Donges (Loire-Atlantique) où la livraison de carburant a été bloquée, les autres sites du groupe n'étant pas affectés, selon un porte-parole du groupe pétrolier.

Dans les transports, les perturbations étaient faibles à la SNCF mais un peu plus importantes dans les aéroports, la direction générale de l'Aviation civile (DGAC) ayant notamment demandé aux compagnies aériennes d'annuler un tiers de leurs vols au départ de l'aéroport Paris-Orly.

(Rédigé par Blandine Hénault et Zhifan Liu, avec la contribution d'Elizabeth Pineau, de Forrest Crellin et de Layli Foroudi, édité par Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse)