Le contrat à échéance en mai sur le baril de brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) est tombé lundi à -40 dollars, un mouvement inédit alimenté par des perspectives économiques déprimées et par la quasi-saturation des capacités de stockage aux Etats-Unis.

Ce contrat était "livrable" lundi soir, ce qui signifie que ceux qui l'avaient acheté étaient censés recevoir une livraison "physique" de pétrole, ce qui était impossible en l'absence de capacité de stockage, explique Stéphane Déo, stratégiste de la société de gestion, dans une note publiée mardi.

"Tous les intervenants ont donc dû revendre leurs contrats mai 2020, quel qu'en soit le prix, même négatif", écrit-il.

Le phénomène a été accéléré par l'évolution d'un ETF sur le WTI dont l'encours avait explosé ces dernières semaines, selon Stéphane Déo.

"Evidemment, cet ETF n'a pas vocation à recevoir du pétrole physique et encore moins à le stocker, il a donc dû liquider, quel que soit le prix, ses contrats futures arrivant à échéance, d'où le carnage sur les marchés", fait-il valoir.

Les variations ont été beaucoup plus limitées sur l'autre contrat à terme de référence, sur le Brent de mer du Nord, souligne-t-il.

LES RÉDUCTIONS DE LA PRODUCTION INSUFFISANTES

S'il rebondit mardi de près de 90%, le cours du WTI reste légèrement négatif, autour de -3,91 dollars.

Quant au Brent, il perd plus de 18% et revient sous 21 dollars le baril.

John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud, rappelle le contexte avec, début mars, un effondrement de 25% des cours du baril en raison d'une guerre des prix entre l'Arabie saoudite et la Russie.

L'affrontement est intervenu sur fond d'effondrement de la demande mondiale, en particulier en provenance de la Chine, le premier importateur mondial, en raison de l'impact de la pandémie de coronavirus, ajoute-t-il dans une note également publiée mardi.

Des réductions de la production de pétrole ont certes été décidées mais elle ne seront pas suffisantes en mai et en juin compte tenu de la chute libre de la demande et de la forte augmentation des stocks, estime Nadège Dufossé, responsable de l'allocation d'actifs chez Candriam.

Un rebond des cours nécessite une diminution plus importante de la production à partir du 1er mai et une amélioration des perspectives de demande, qui ne devrait intervenir qu'après le déconfinement, écrit-elle dans une note.

L'impact de la chute du prix du baril sur les actions portera principalement sur le secteur de l'énergie et celui sur les obligations se fera sentir principalement sur le secteur de la dette à haut rendement ("high yield") américaine, dans lequel le secteur pétrolier occupe une large place, ajoute-t-elle.

Wall Street devrait ouvrir en net repli mardi, de plus de 2% pour le Dow Jones, et les actions des compagnies Exxon Mobil et Chevron perdent respectivement 3,7% et 4%.

En Europe, où les principales places boursières cèdent entre 2,2% et 3,25%, l'indice Stoxx de l'énergie recule de 5%. A Paris, Total abandonne près de 4%.

(Patrick Vignal, édité par Marc Angrand)