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WASHINGTON (awp/afp) - Le Trésor américain a annoncé vendredi des sanctions financières contre l'influent homme politique libanais Gebran Bassil, gendre du chef de l'Etat, l'accusant de "corruption" et de détournements de fonds dans un pays à l'économie en lambeaux.

Invoquant la loi dite "Magnitsky", le Trésor a indiqué dans un communiqué geler tous les avoirs aux Etats-Unis de M. Bassil, ex-ministre et député, et a demandé aux banques libanaises effectuant des transactions en dollars de geler ses avoirs au Liban.

C'est la première fois que des sanctions américaines visent un chef de parti chrétien libanais. M. Bassil est un allié du Hezbollah, un mouvement armé pro-iranien qualifié de "terroriste" par les Etats-Unis.

"La corruption du système politique libanais incarnée par Bassil a aidé à éroder les fondements d'un gouvernement efficace répondant aux besoins du peuple libanais", a commenté le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin dans un communiqué.

Les sanctions "démontrent que les Etats-Unis soutiennent le peuple libanais dans ses appels continus à la réforme et à rendre des comptes", a-t-il ajouté.

Gebran Bassil, 50 ans, est le chef du Courant patriotique libre, le parti du président Michel Aoun. Son influence s'est renforcée après l'élection de M. Aoun à la présidence en 2016, certains le qualifiant de "président de l'ombre".

Ministre des Télécommunications, de l'Energie puis des Affaires étrangères, M. Bassil est l'un des politiciens les plus honnis par une grande partie de la population.

"Pas peur"

Durant les rassemblements du mouvement de contestation contre la classe politique jugée corrompue et incompétente en 2019, M. Bassil a été conspué, voire insulté unanimement par les manifestants.

Ses détracteurs l'accusent d'opportunisme et d'implication dans de nombreuses transactions opaques et suspectes.

Gebran Bassil a rejeté ces accusations.

Vendredi, réagissant aux sanctions américaines, il a écrit sur Twitter: "les sanctions ne me font pas peur (...) Je ne me retournerai contre aucun Libanais et ne sauverai pas ma peau pour détruire le Liban".

Le Hezbollah a condamné dans un communiqué la décision américaine, qualifiée de "purement politique" et "d'ingérence flagrante dans les affaires du Liban". "Les Etats-Unis utilisent leurs lois (...) pour étendre leur hégémonie sur le monde".

La loi "Magnitsky", du nom d'un avocat russe mort en détention à Moscou après avoir dénoncé une affaire de corruption, vise à lutter contre l'impunité au niveau international des entités et individus impliqués dans la corruption.

Le Liban traverse une crise économique et sociale sans précédent due aux manquements de gouvernements successifs, qui a culminé avec l'explosion dévastatrice du 4 août au port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés), provoquée par le stockage d'énormes quantités de nitrate d'ammonium sans mesures de précaution.

"Par ses activités corrompues, Bassil a sapé la bonne gouvernance et contribué au système de corruption et de favoritisme politique qui sévit au Liban", a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.

"Nommer, acheter"

"Avec cette action aujourd'hui, nous encourageons le Liban à former un gouvernement excluant les politiciens connus pour avoir commis des actes de corruption et à entamer des réformes économiques sérieuses", a indiqué un responsable américain ayant requis l'anonymat.

"Le peuple libanais mérite mieux que Gebran Bassil", a-t-il dit, soulignant que le "partenariat politique" entre le parti de M. Bassil et le Hezbollah avait permis à ce dernier "d'élargir son influence et de contribuer au système gouvernemental déficient qui a échoué à répondre aux besoins basiques du peuple libanais".

Le Trésor américain a notamment accusé M. Bassil d'avoir approuvé en 2014, alors qu'il était ministre de l'Energie, "plusieurs projets ayant permis à des individus dont il est proche de recevoir des fonds du gouvernement via un groupe de sociétés écrans".

"En 2017, il a renforcé sa base politique en nommant des amis à des postes et en achetant d'autres formes d'influence au sein des cercles politiques libanais", selon la même source.

En septembre, le Trésor américain a imposé des sanctions contre deux autres ex-ministres alliés du Hezbollah: Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil.

La communauté internationale plaide pour un gouvernement d'indépendants au Liban appelé à engager des réformes vitales en contrepartie d'aides internationales.

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