PARIS (awp/afp) - Aucune trêve dans le débat sur les "superprofits": quelques heures après que l'Allemagne a promis de soutenir les efforts européens pour imposer une contribution obligatoire des entreprises énergétiques, Paris a martelé dimanche qu'il ne s'agissait "absolument pas" d'une taxe.

A quelques jours d'une réunion des 27 États membres autour des sujets énergétiques, pas question de prêter le flanc à la gauche, qui propose depuis des mois une taxation exceptionnelle des bénéfices réalisés par de grands groupes comme TotalEnergies ou CMA CGM.

"Le gouvernement allemand n'a absolument pas annoncé une taxe sur les superprofits des énergéticiens", a insisté Bercy dans un message envoyé aux journalistes quelques heures après l'annonce par Berlin de son soutien à une contribution obligatoire des entreprises énergétiques, à affiner au niveau européen.

Cette contribution cible "les entreprises qui bénéficient du prix du gaz alors qu'elles produisent de l'électricité à partir du charbon, du nucléaire ou d'énergies renouvelables", avance-t-on à Paris.

"C'est exactement ce que la France fait (...) Les mécanismes ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique l'est (...) et elle ne relève en rien de la fiscalité", a tenté de déminer le ministère.

Une réaction intervenue quelques heures après la présentation par l'Allemagne d'un plan de 65 milliards d'euros destiné à atténuer les effets de l'inflation.

La hausse des prix a en effet atteint en Allemagne 7,9% sur un an en août, alimentée par les prix de l'énergie qui se sont envolés depuis que la Russie, fournisseur essentiel pour Berlin, a réduit les flux de gaz vers l'Europe.

Dans ce contexte, le gouvernement allemand a annoncé dimanche matin qu'il plaiderait pour l'introduction, au niveau européen, d'une contribution obligatoire dont s'acquitteraient les entreprises du secteur énergique.

La mesure ne relève "pas du droit fiscal", a martelé le ministre des Finances, le libéral Christian Lindner.

Mi-juillet, l'Espagne avait déjà annoncé une taxe sur les bénéfices extraordinaires des grandes entreprises énergétiques et financières.

Auparavant, l'Italie et le Royaume-Uni avaient instauré une taxation des bénéfices des géants du pétrole et du gaz.

"Augmentations artificielles"

Invité en fin d'après-midi sur LCI, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton s'est montré favorable à "l'utilisation des ressources exceptionnelles, et notamment des rentes" pour "limiter l'impact de l'inflation tant sur les particuliers que sur les entreprises".

Mais il a insisté sur l'importance de borner le périmètre de cette contribution aux "augmentations artificielles que certains acteurs de l'énergie ont pu réaliser".

"En France, j'ai l'impression qu'on a élargi (l'idée de taxer les "superprofits") à l'ensemble du secteur économique, ça me semble un peu hasardeux voire risqué", a fait valoir le commissaire.

Si les discussions européennes n'aboutissaient pas, Berlin se dit prêt à faire cavalier seul en adoptant une mesure au niveau national.

En France, l'idée de taxer les superprofits des multinationales est fermement combattue par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, tandis que la Première ministre Élisabeth Borne n'y "ferme pas la porte" en dernier recours.

Avant que Bercy ne communique, l'eurodéputée Manon Aubry (La France insoumise) s'était réjouie sur Twitter que ce soit "au tour de l'Allemagne de taxer les superprofits".

"Encore faux !", lui a rétorqué Bruno Le Maire sur le réseau social. "L'Allemagne a décidé de mettre en place une contribution obligatoire des énergéticiens, qui existe déjà en France et qui rapporte plusieurs milliards d'euros".

Bercy doit présenter dans les prochains jours son projet de budget pour 2023, qui détaillera la stratégie du gouvernement pour lutter contre l'inflation, en particulier énergétique.

Alors que le bouclier tarifaire sur les prix du gaz est censé expirer le 31 décembre 2022, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a assuré samedi sur France Inter qu'un "système de bouclier" serait maintenu en 2023.

Le pourcentage de hausse des prix de l'énergie reste toutefois à définir. Gabriel Attal a affirmé samedi dans une interview au Parisien qu'une augmentation de 10 à 20% était une "possibilité".

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