WASHINGTON (awp/afp) - Le nouveau président démocrate Joe Biden a fait pousser des cris d'orfraie aux républicains en annonçant un plan de sauvetage de l'économie de 1.900 milliards de dollars, qui devrait faire déraper les finances publiques s'il était adopté par le Congrès.

Les élus républicains renouent ainsi avec une orthodoxie budgétaire mise de côté pendant la présidence Trump qui a connu une forte baisse des impôts des entreprises puis, en mars dernier, le plus important plan de relance de l'histoire.

Ce faisant ils relancent le débat sur le contrôle du déficit public, jugé par certains non nécessaire en temps de grave crise économique, comme c'est le cas actuellement.

Face aux réticences de l'opposition, la nouvelle secrétaire au Trésor Janet Yellen estime qu'il faut "voir grand", et remettre les préoccupations sur le déficit à plus tard.

"A long terme, je pense que les avantages seront bien plus grands que les coûts financiers de ce plan", avait-elle plaidé le 19 janvier, lors de son grand oral devant le Sénat.

Un argument qui n'a pas convaincu son auditoire, le sénateur républicain Pat Toomey allant jusqu'à qualifier de "gaspillage colossal" l'enveloppe de 1.900 milliards de dollars proposée.

"Le président Trump aura toujours de l'influence. Mais je pense que notre parti retournera à certains de ses principes fondamentaux", et notamment "la responsabilité budgétaire", a souligné récemment sur Fox News son collègue Mitt Romney.

Réforme fiscale de 2017

Le récent souci de limiter le déficit budgétaire contraste avec la position des élus du Grand Old Party (GOP) pendant les quatre années de présidence Trump.

"On a du mal en ce moment à prendre au sérieux les préoccupations républicaines sur le déficit et la dette, compte tenu de leur soutien aux réductions d'impôts et à l'augmentation des dépenses pendant les années Trump", a réagi dans un entretien à l'AFP Tori Gorman, responsable politique de la Concord Coalition, une organisation non-partisane, qui plaide pour la sobriété budgétaire.

"Et une grande partie de cela s'est produit avant même la pandémie", a-t-elle ajouté.

Elle rappelle que l'administration Trump, pendant ses deux premières années à la tête du pays, a "non seulement augmenté les dépenses, mais en 2017, (a) aussi mis en place une réduction d'impôts de 2.000 milliards de dollars"

En effet, cette mesure phare du mandat de Donald Trump, la réforme fiscale la plus importante en 30 ans, avait été applaudie par les "faucons budgétaires" républicains, habituellement peu enclins à dépenser.

Tous les sénateurs du parti avaient voté en faveur de ce texte, qui a réduit les impôts pour les plus riches et sabré ceux des sociétés.

Cette réforme a certes dynamisé la croissance en 2018, mais elle a surtout accru le déficit budgétaire et gonflé la dette, qui était de près de 27.000 milliards de dollars fin septembre 2020 (qui correspond à la fin de l'année fiscale), contre 19.500 milliards quatre ans plus tôt.

"Hypocrisie" partagée

En 2012, le magnat de l'immobilier avait attaqué Barack Obama, alors au pouvoir, sur le déficit budgétaire: "Les déficits sous @barackobama sont les plus élevés de toute l'histoire de l'Amérique. Pourquoi conduit-il notre pays à la faillite?", s'était-il emporté sur Twitter.

Début 2020, c'est pourtant ce même Donald Trump qui avait signifié que la dette n'était plus une préoccupation, justifiant sa hausse vertigineuse par la nécessité de renforcer l'armée. Il avait alors repoussé à 2035 au lieu de 2030 l'échéance pour parvenir à l'équilibre budgétaire.

A la même période, les services du budget du Congrès (CBO), une agence indépendante, avaient averti que le déficit budgétaire américain devrait s'aggraver sous l'effet de la politique de Trump.

Une alerte envoyée juste avant que la pandémie ne vienne grever des finances déjà largement dans le rouge. Avec notamment l'adoption d'un plan de relance de 2.200 milliards de dollars, le Cares Act, le plus important jamais adopté, voté par les deux partis, dans une rare union.

Mais ensuite, Mitch McConnell, qui était alors le puissant chef de la majorité républicaine au Sénat, avait bloqué tout plan supplémentaire conséquent, mais avait fini par céder en décembre en votant avec ses collègues pour un soutien économique de 900 milliards de dollars en plus.

Tori Gorman estime toutefois que le parti républicain n'a pas le monopole du double discours: "les deux côtés sont coupables d'hypocrisie en matière de responsabilité budgétaire".

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