Le plus grand développeur de jeux vidéo français traverse une crise à la fois financière et sociale. La performance boursière d’Ubisoft, en chute de 42% sur l’année 2024, reflète ces difficultés. Dans un post LinkedIn, le studio de Leamington a confirmé sa fermeture, tandis que d’autres restructurations sont en cours dans plusieurs quatre antennes européennes, 185 emplois devraient être affectés.
Une production en perte de vitesse
Les problèmes d’Ubisoft ne datent pas d’hier. Retour en 2017, lors de l’E3, où le studio breton avait suscité l’enthousiasme en annonçant des jeux très attendus, comme Skull & Bones et Beyond Good & Evil 2. Mais la suite a été chaotique. Skull & Bones, lancé en 2024 après de multiples redémarrages, a peiné à séduire, malgré un budget colossal de plus de 200 millions d’euros. Quant à Beyond Good & Evil 2, il reste sans date de sortie, victime d’une valse incessante de directeurs artistiques.
D’autres titres, comme Rainbow Six: Extraction et Avatar: Frontiers of Pandora, n’ont pas non plus rencontré leur public. Le dernier échec en date, Star Wars Outlaws, a été un coup dur supplémentaire pour Ubisoft, qui mise désormais sur Assassin’s Creed Shadows. Déjà repoussé à deux reprises, ce titre crucial doit sortir en février, en pleine période d’embouteillage saisonnier.
Une crise sociale paralysante
L’industrie du jeu vidéo traverse une crise globale. Les licenciements se multiplient pour compenser des coûts de développement toujours plus élevés, combinés à des erreurs d’évaluation post-COVID. Ubisoft, cependant, a tardé à amorcer sa restructuration, alors que ses concurrents s’y sont attelés depuis quelques années déjà.
Ces coupes sont d’autant plus complexes à gérer quand un peu plus de 50% de l’effectif se trouve en Europe, une région dont la loi du travail est plus soutenue qu’en Amérique qui représente quand même 32% de la localisation des emplois du studio breton.
Pour ne rien arranger, Ubisoft a instauré un retour progressif au travail en présentiel, exigeant trois jours par semaine sur site. Or, durant le confinement, le studio avait embauché des employés à distance, parfois très éloignés géographiquement. Ces nouvelles exigences ont provoqué un mouvement social marqué par des grèves et des négociations en cours avec les syndicats.
Une lueur d’espoir ?
La situation interne est tendue, la trésorerie souffre et la dette continue de croître. Certains voient une chance de rédemption dans le succès potentiel d’Assassin’s Creed: Shadows. Mais il semble peu probable qu’un seul jeu suffise à relancer la machine Ubisoft. Le studio devra également espérer des résultats prometteurs avec le prochain Far Cry, attendu en fin d’année, ou la sortie de titres populaires comme Splinter Cell Remake, Prince of Persia : Les Sables du Temps Remake et Beyond Good & Evil 2.
En parallèle, des rumeurs de rachat circulent. Tencent, partenaire de longue date, détient déjà près de 10 % d’Ubisoft et 49,9 % de la holding des frères Guillemot. La famille a déclaré en octobre dernier explorer « toutes les options », alimentant davantage les spéculations. Par ailleurs, un rapprochement récent avec Savvy Games, un studio saoudien, a suscité d’autres rumeurs de rachat.