PARIS (awp/afp) - Le développement des jeux vidéo les plus poussés technologiquement se fait désormais au sein de studios composés de centaines de personnes mais certains créateurs tentent aussi l'aventure en solo, dans l'espoir d'un succès surprise.

Plusieurs oeuvres, au budget modeste, ont ainsi été remarquées par la critique et le public ces dernières années, en étant portées par un unique auteur.

Parmi ces noms devenus célèbres, on retrouve Lucas Pope, auteur de "Papers, Please" (2013), Toby Fox et son "Undertale" (2015) ou encore Eric Barone, concepteur de "Stardew Valley" (2016).

"Ces exemples ont alimenté ma motivation à travailler sur mon propre jeu", reconnait le Canadien Dan Beckerton, 33 ans, qui peaufine les derniers détails de "Spirittea", prévu pour début 2023.

Le joueur y incarne un personnage chargé de la gestion de bains publics, où viennent se reposer des esprits, dans un univers coloré et apaisant inspiré du film d'animation "Le voyage de Chihiro".

"Spirittea", qui a obtenu 20.000 dollars de budget grâce à une campagne de financement participatif, est le fruit de près de trois années de travail en solitaire, ce qui permet "une liberté de création totale" mais demande d'être multi-tâches.

"Je crée les graphismes, les mécaniques de jeu, j'écris l'histoire et les dialogues, je compose une partie des musiques et les bruitages", détaille Dan Beckerton.

Univers solitaire

Après deux années passées dans le studio parisien du géant du jeu vidéo Ubisoft, Géraud Zucchini se met lui à son compte en 2018.

"La décision de démissionner n'a pas été facile à prendre, se souvient-il, mais mon envie de développer des jeux en solo était plus forte."

Sur sa chaine Youtube, qui cumule plus de 86.000 abonnés, "Doc Géraud" documente l'avancée de son troisième projet, "Larcin Lazer". Un moyen de garder le contact avec sa communauté et de fuir une activité particulièrement solitaire.

"Quand je me suis lancé, la première chose que j'ai un peu ratée, c'est le côté social. Je ne voyais plus personne", confesse Géraud, à qui il a fallu près d'un an pour s'adapter à sa nouvelle vie.

Difficile pourtant d'expliquer pourquoi certains de ces "petits" jeux peuvent connaitre le succès, à l'heure où les grosses productions allient graphismes ultraréalistes et contenu gargantuesque.

"Ce sont des jeux très personnels et ça se ressent", analyse Mike Rose, fondateur de No More Robots, un éditeur britannique spécialisé dans ce genre de productions, et qui publie "Spirittea".

Concurrence féroce

Pour Alizée Veauvy Guilliams Janin, l'une des organisatrices du festival parisien Indie Game Nation, l'une des explications se situe également dans l'originalité de ces créations.

"On peut se permettre plus de risques parce que ce sont des projets parfois très courts dans le temps et, surtout, qui ne représentent pas forcément un risque financier", fait-elle valoir.

Dans un milieu où la concurrence est particulièrement féroce - environ 90% des jeux qui sortent sur la plateforme de jeux sur ordinateur Steam ne sont pas ou peu rentables - se démarquer est essentiel, que ce soit grâce au bouche-à-oreille ou à la vidéo d'un influenceur.

En cas de succès, les chiffres peuvent en revanche donner le vertige: six mois après sa sortie, "Stardew Valley" s'était vendu à près de 1,5 million d'exemplaires, générant près de 21 millions de dollars de revenus, selon le journaliste américain spécialisé Jason Schreier. En mars 2022, le jeu a dépassé les 20 millions de ventes.

"Ce sont des cas relativement rares, temporise Alizée Veauvy Guilliams Janin. Un jeu indépendant rentable pour son créateur, c'est déjà très bien".

En 2021, les deux premiers jeux de Géraud Zucchini lui ont rapporté environ 12.000 euros, soit près de la moitié de ses revenus sur une année.

Pas de quoi encore en vivre convenablement mais, tout comme l'auteur de "Spirittea", il espère un jour connaitre le même succès qu'un de ses illustres prédécesseurs. Sa dernière création, Larcin Lazer, devrait sortir fin octobre.

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