Le premier enseignement des derniers jours, c'est que tout le monde trouve qu'une sortie de la cote est crédible. Le groupe a enchaîné les crises ces dernières années : raid de Vivendi, ambiance interne délétère, surexploitation de certaines licences, échecs sur les formats les plus populaires… Rien n'a été simple. Pour autant, le savoir-faire est là et les positions sont fortes sur plusieurs segments : Ubi a de la valeur. Reste à savoir laquelle, bien sûr, dans un secteur en pleine mutation.

Un secteur en profonde mutation depuis des années

Le secteur du jeu vidéo a connu un changement de paradigme qui ressemble à celui que vit l'automobile actuellement. Les grands groupes sont passés d'une situation d'oligopole à un marché où la concurrence a explosé, faisant voler en éclats les modèles classiques. Des entreprises avec des modèles peu capitalistiques sont venues prendre des parts de marché aux éditeurs bien en place. Le jeu vidéo est encore plus concurrentiel que l'automobile, qui conserve des contraintes industrielles physiques. Dans un tel environnement, tout échec ou toute semi-réussite sur un jeu qui a nécessité de lourds investissements et des trimestres de développement est une catastrophe.

Malheureusement, Ubisoft a accumulé quelques déconvenues sur ses prises de risques principales. La société est fragilisée. En intégrant la spéculation récente, sa capitalisation est inférieure à 1,9 milliard d'euros (environ 2 milliards de dollars). Take-Two pèse 26,6 Mds$. Electronic Arts 37,7 Mds$. Même le polonais CD Projekt, dont les revenus sont neuf fois inférieurs à ceux d'Ubi, pèse 4,3 Mds$. Quant à Tencent, qui détient 10% du Français et qui est le partenaire privilégié d'un éventuel retrait de la cote, il capitalise… 571 Mds$. Autant dire qu'Ubisoft est une goutte d'eau.

Parcours boursier sur 5 ans de quelques éditeurs traditionnels du jeu vidéo

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Impossible n'est pas Breton

Mais revenons à nos lapins crétins. Ubisoft a publié ce matin un communiqué pour prendre acte de la spéculation, tout en ne disant à peu près rien, comme il est d'usage en pareille circonstance. Le groupe "a pris note des récentes spéculations de la presse concernant des intérêts potentiels autour de la Société. Elle examine régulièrement toutes ses options stratégiques dans l'intérêt de ses parties prenantes et informera le marché en temps voulu, si nécessaire. La société réitère que la direction est actuellement concentrée sur l'exécution de sa stratégie, centrée sur deux segments clés - les jeux d’Aventure en Monde Ouvert et les expériences natives Games-as-a-Service". Ni pour, ni contre, bien au contraire donc, pour faire écho au titre. Ou p'tet ben que oui, p'tet ben que non, pour une référence plus normande, qui ferait probablement hurler les Bretons que sont les Guillemot.

"Compte tenu de l'identité du groupe acquéreur, nous pensons que l'opération a des chances raisonnables de se concrétiser", souligne l'analyste spécialisé dans les jeux vidéo Michael Pachter (Wedbush Morgan), qui partage notre sentiment. Il rappelle d'ailleurs que Ubi a été "en jeu" sur les 25 dernières années, avec deux offres hostiles : fin de 2004 par Electronic Arts et en 2015 par Vivendi. "A chaque fois, la famille Guillemot a résisté aux tentatives de prise de contrôle, luttant avec succès contre EA en 2005 et reprenant le contrôle à Vivendi en 2018", souligne Pachter. En 2004, EA aurait pu proposer autour de 30 EUR l'action. En 2018, avant que Vivendi ne se retire, le titre était monté à plus de 100 EUR. Après 35% de gains en deux séances, Ubi ne vaut que 14,40 EUR l'action.