Difficile de trouver plus décevant qu’Ubisoft ces derniers temps. D’un point de vue vidéoludique, le studio s’est enfermé dans une poignée de licences qu’il peine à renouveler, avec des mécaniques recyclées à l’infini, au point d’épuiser jusqu’à ses fans les plus fidèles. Quant aux projets en cours, un brouillard épais plane sur leur avancement. Le remake de Splinter Cell ? Porté disparu. Beyond Good & Evil 2 ? Toujours en orbite. Côté financier, c’est encore plus alarmant : flux de trésorerie négatifs, pertes plus importantes que prévu… Et la suite ? Une “année de transition” saupoudrée de belles promesses pour 2026-2027. Mais voilà, plus personne n’y croit vraiment et le titre perd -20%.
Il y avait espoir
Et pourtant, on y a cru. Le consensus espérait un sursaut, les joueurs aussi, notamment avec la sortie d’Assassin’s Creed Shadows. L’épisode tant attendu dans le Japon féodal, développé sous une nouvelle version du moteur Anvil, semblait avoir tout pour séduire. Et, sur le papier, c’est un carton : deuxième meilleur démarrage de l’histoire du studio, juste derrière AC Valhalla… qui bénéficiait, rappelons-le, d’un confinement mondial. Un joli coup, mais qui ne suffira pas à renverser la vapeur.
Sur la période, Ubisoft accuse une perte nette de 159 millions d’euros, une perte opérationnelle de 15,1 millions d’euros, et un "net bookings", l’équivalent du chiffre d’affaires, de 1,85 milliard d’euros. En face, les analystes tablaient sur une perte nette de 91 millions, un résultat opérationnel à l’équilibre et des bookings à 1,89 milliard. Bref, tout le monde est à côté. Et cette contre-performance s’ajoute aux autres désillusions, comme l’échec commercial de Star Wars Outlaws et l’arrêt prématuré du jeu de tir XDefiant.
De douces promesses
Pour l’exercice en cours, Ubisoft prévoit un net bookings stable, un résultat opérationnel proche de zéro et un free cash flow… négatif, du fait de ses “coûts de transformation”. Le premier trimestre devrait tourner autour de 310 millions d’euros. De son côté, Yves Guillemot tente de rassurer : “Le groupe travaille actuellement à la refonte de son modèle opérationnel, afin de mieux répondre aux attentes des joueurs, de livrer une qualité de jeu supérieure et d’assurer une allocation disciplinée du capital.” La fameuse réorganisation est attendue d’ici la fin de l’année.
Mais le marché n’est pas dupe. Comme le résume Morningstar : “Nous espérions qu’Assassin’s Creed Shadows permettrait à Ubisoft de redresser ses résultats financiers en 2026 après une période de faiblesse récente. Les perspectives de la société semblent toutefois compromettre cette possibilité.” Chez Barclays, Nick Dempsey tranche encore plus net : “Une autre année à brûler du cash.” Il ajoute : “Ils ont de grands espoirs pour les années à venir, mais les investisseurs ne croiront en la trésorerie disponible que lorsqu’ils l’auront sous les yeux.”
Pour tenter de tenir ses maigres promesses, le groupe compte sur une extension payante pour AC Shadows, un nouvel opus de Rainbow Six baptisé “Siege X”, la sortie de Anno 117 et le remake de Prince of Persia : Les Sables du Temps. Frédérick Duguet, le directeur financier, évoque aussi “quelques autres titres à annoncer ultérieurement”, dont un “jeu mobile sur l’une des franchises phares qui présente un fort potentiel en Asie”. Derrière le teasing, difficile de ne pas penser à Assassin’s Creed Jade, l’opus mobile déjà présenté se déroulant durant l’unification de la Chine sous la dynastie Qin.
Des questions encore et toujours
Rester optimiste sur le cas Ubisoft relève désormais de l’exploit. Les analystes l’ont bien rappelé en révisant leurs recommandations à la baisse après cette publication décevante et une conférence téléphonique sans éclat. Au-delà de la feuille de route à venir, les questions se concentraient sur la nouvelle filiale détenue à 25% par Tencent annoncée pour la fin de l’année.
Et là encore, c’est le flou artistique. Aucune information concrète sur son fonctionnement, ni sur la valeur qu’elle pourrait créer pour les actionnaires. L’opération, censée rassurer, finit par inquiéter davantage. Ubisoft promet une nouvelle organisation, une nouvelle ère, un nouvel élan. En attendant, Ubisoft devra passer une année supplémentaire à galvaniser les espoirs des plus optimistes.