Guillaume Bayre,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--A l'image d'Assasins Creed Origins, les plus grands titres d'Ubisoft passionnent toujours davantage de joueurs. Les aventures du célèbre assassin dans l'Egypte ancienne devraient se vendre deux fois plus que le précédent opus. Pourtant, le groupe compte à l'avenir s'appuyer sur moins de lancements de jeux à gros budget (dits AAA). Ceci afin de mieux exploiter le potentiel de chaque univers. Synonyme d'amélioration de la marge opérationnelle, ce nouveau modèle a déjà permis à Ubisoft d'enregistrer au trimestre clos fin décembre une performance meilleure que prévu.

Un trimestre crucial, meilleur qu'attendu en termes de ventes

Pour son troisième trimestre 2017/2018, période traditionnellement la plus porteuse dans l'industrie du jeu vidéo, Ubisoft anticipait initialement 630 millions d'euros de chiffre d'affaires, avant de relever la barre à 700 millions début décembre. Au final, les ventes se sont élevées à 725 millions d'euros, soit 36,8% de plus qu'au troisième trimestre 2016/2017, pourtant marqué par les lancements de Watch Dogs 2 et du volet 2017 de la saga Just Dance.

Le PRI, reflet de la capacité d'Ubisoft à retenir les joueurs dans son univers

La principale différence est que l'éditeur tire désormais plus de la moitié de ses revenus du digital, tiré par le "player recurring investment" (>> Primerica, Inc.). Ce terme, maître-mot de la transformation à l'oeuvre chez Ubisoft, désigne les ventes d'articles virtuels destinés à personnaliser l'expérience des joueurs ou accélérer leur progression, les abonnements saisonniers, les extensions du jeu de base à télécharger, ainsi que la publicité. Ce PRI a encore bondi de 87%, représentant désormais plus du quart des revenus, contre 20% à la même période l'an dernier et moins de 10% en 2015/2016.

Les objectifs 2019 à portée de main

Grâce à ces recettes qui permettent de continuer à impliquer les joueurs dans un des univers créé par le groupe des années après le lancement du titre phare correspondant, la direction du groupe estime qu'Ubisoft "n'a jamais été aussi bien placé pour délivrer son plan à trois ans. Lancé en 2016, celui-ci vise désormais à atteindre d'ici à 2019 2,1 milliards d'euros de revenus et 440 millions d'euros de résultat opérationnel (non-IFRS) - tout en ne commercialisant que 23 millions d'unités des quatre jeux AAA attendus à cet horizon, au lieu de 28 millions.

Une transition déjà bien valorisée ?

"Le jeu vidéo est le segment des médias qui a su tirer le plus parti de la transition digitale. Ubisoft a clairement bien pris le virage, et la pression mise par la présence de Vivendi dans son capital l'a probablement forcé à accélérer cette stratégie", souligne Charles-Louis Scotti, analyste chez Kepler Cheuvreux. "Je reste convaincu par la transition digitale menée par Ubisoft qui tire à la hausse la profitabilité, cependant les objectifs de moyen terme apparaissent déjà intégrés dans le cours", remarque-t-il. Kepler Cheuvreux maintient son conseil à "conserver" sur le titre. "D'autant que je suis un peu plus prudent que le management sur l'amélioration du résultat opérationnel courant attendue l'an prochain : passer de 270 à 440 millions d'euros représente une marche très élevée", ajoute l'analyste.

La piste Vivendi s'éloigne

Pour sa part, CM-CIC Market Solutions livre un message de prudence pour le quatrième trimestre : le chiffre d'affaires devrait reculer sur cette période, en raison d'une base de comparaison élevée. Le bureau d'études réitère également un avis neutre, considérant qu'Ubisoft se paie déjà aussi cher que les leaders du secteur Activision et Electronic Arts. En outre, l'éditeur apparaît désormais "hors de portée de Vivendi". Le mieux à faire pour le conglomérat de médias serait d'empocher sa plus-value, renchérit Bryan Garnier.

A mesure que la spéculation liée à une hypothétique OPA de Vivendi (>> Vivendi) s'efface, les fondamentaux reprennent mécaniquement le pas. A court terme, cela implique que la juste valeur d'Ubisoft puisse faire débat. Mais à la longue, cette approche est la plus saine pour éviter les déconvenues.

-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones ; 01 41 27 47 93 ; gbayre@agefi.fr ; ed : ECH

Valeurs citées dans l'article : Primerica, Inc., Vivendi