LONDRES (Reuters Breakingviews) - La directrice générale de Commerzbank, Bettina Orlopp, a annoncé aujourd'hui des objectifs pour 2028 pour l'institution allemande, dont la capitalisation s'élève à 23 milliards et qui tente de contrer l'avancée d'UniCredit, qui vaut 71 milliards en bourse.

Mais les promesses audacieuses de la PDG nécessiteront beaucoup de travail et de chance, avec le risque qu'elles finissent paradoxalement par aider son prétendant plutôt que de l'entraver.

Le chiffre le plus important dans la présentation de la journée du marché des capitaux de Commerz est l'objectif de Rote, c'est-à-dire le rendement des capitaux propres tangibles, à 15 % pour 2028. Un objectif audacieux, si l'on considère que l'estimation moyenne des analystes est inférieure à 12 %, selon les données de Visible Alpha. En 2024, Commerz n'atteindra que 9,2 %.

Si Orlopp parvient à convaincre les actionnaires que l'objectif est plausible, Andrea Orcel, PDG d'UniCredit, n'aura pas la tâche facile. Compte tenu d'un coût du capital de 10 %, l'objectif de rendement d'Orlopp impliquerait un multiple de 1,5 fois la valeur comptable tangible, que les analystes estiment à 36 euros par action en 2028.

L'action Commerz pourrait ainsi valoir 54 euros dans quelques années, soit près de trois fois son niveau actuel.

Mais ces objectifs pourraient ne pas être réalistes.

Le PDG de Commerz vise un chiffre d'affaires de 14,2 milliards d'euros en 2028, contre 13,6 milliards d'euros prévus par les analystes.

Le nouveau plan implique un taux de croissance annuel composé d'environ 4 % pour les revenus de Commerz, ce qui est beaucoup plus élevé que les prévisions pour l'économie allemande, qui se maintient autour de 1 %.

Comment Orlopp, dont la banque dépend en grande partie du "Mittelstand", c'est-à-dire des PME allemandes, échappera-t-il à la chute de l'économie allemande ? Le dirigeant veut utiliser l'intelligence artificielle pour augmenter la productivité des banquiers et des traders sur le marché des capitaux, tout en stimulant les activités bancaires en Autriche et en Suisse.

Le peu de mouvement de Commerz en bourse aujourd'hui indique que les investisseurs craignent que les mesures annoncées ne soient pas vraiment à portée de main.

Sur le plan des coûts, le plan semble modeste. La banque vise à réduire ses coûts de 500 millions d'euros d'ici 2028, soit 8 % du total de la banque d'ici 2024. Toutefois, l'inflation et l'augmentation des charges réglementaires annuleront ces économies, selon la présentation de Commerz, ce qui signifie qu'au mieux, la base de coûts restera inchangée en termes nets.

En revanche, les analystes de Barclays ont estimé que la fusion avec UniCredit permettrait de réduire les coûts de 30 %.

En d'autres termes, Orlopp offre un espoir au niveau de la "ligne supérieure", tandis qu'Orcel pourrait probablement offrir une réalité au niveau de la "ligne inférieure".

UniCredit pourrait être aidé par les objectifs de revenus annuels fixés par Commerz, ce qui signifie que les investisseurs seront en mesure de contrôler année par année avant 2028 si la banque s'écarte ou non de la voie indiquée, ce qui leur donnerait une raison supplémentaire de soutenir un éventuel accord avec la structure italienne.

Orcel pourrait également porter l'affaire devant les responsables politiques allemands, méfiants en matière de fusions-acquisitions, et pointer du doigt l'échec du plan de Commerz.

La perspective d'une prise de contrôle étrangère pourrait alors sembler un peu moins hors de portée.

(Traduit par Jasmine Mazzarello, édité par Francesca Piscioneri)