SHANGHAI (Reuters) - Les banques et les gérants de fonds chinois se sont délestés de leurs obligations d'entreprises les plus risquées vendredi après une série de défauts de paiement de sociétés à capitaux publics qui fait craindre une crise sur l'ensemble du marché de la dette.

Des analystes estiment que les défauts de paiement sont le signe que les autorités chinoises cherchent à réduire l'accumulation excessive de dettes dans une économie se remettant tout juste de la pandémie de coronavirus.

Les obligations émises par les entreprises publiques sont généralement jugées moins risquées que celles des entreprises privées, le soutien de l'Etat étant censé prévenir le risque de faillite.

Mais les récentes défaillances de Yongcheng Coal & Electricity Holding Group et d'autres sociétés publiques ont déclenché un mouvement de vente de titres de dettes émises par des entreprises soutenues par Pékin.

"Une fois que l'environnement du crédit est détruit, il est très difficile de rétablir la confiance", a écrit Qu Qing, un analyste de Jianghai Securities, soulignant le risque de voir les investisseurs se replier sur les emprunts d'Etat et les obligations des banques si la situation se détériore.

La nervosité a gagné le marché boursier et les actions des banques chinoises ont chuté vendredi, certains investisseurs redoutant de les voir confrontées à une envolée des créances douteuses.

L'indice SSE Composite de Shanghai a fini la journée en baisse de 0,86%, effaçant la totalité de ses gains des quatre séances précédentes.

La désertion du marché du crédit par les investisseurs pourrait faire augmenter les coûts de financement des entreprises au moment où l'économie se remet à peine du choc économique lié au coronavirus.

LA BANQUE CENTRALE A INJECTÉ DES LIQUIDITÉS

La défaillance du groupe minier Yongcheng Coal, qui a annoncé mardi être incapable de rembourser le principal et les intérêts sur un milliard de yuans (128 millions d'euros) de papier commercial, s'ajoute aux difficultés du promoteur immobilier Evergrande, premier émetteur d'obligations spéculatives d'Asie, et à un défaut de Huachen Automotive Group, dont l'une des filiales exploite une coentreprise avec BMW.

Les marchés de la dette en Chine, qui représentent près de trois fois le produit intérieur brut (PIB), sont ainsi menacés de fortes tensions pour la première fois depuis la mi-2019, lorsque les régulateurs avaient mis sous tutelle Baoshang Bank.

Le cours des obligations de Huachen Automotive Group a chuté jeudi à environ 10 yuans, soit un dixième de leur valeur nominale.

Les obligations cotées en Bourse émises par le groupe technologique Unigroup ont plongé, obligeant les autorités de marché à suspendre les transactions sur certaines émissions, tandis que l'action Unigroup perdait jusqu'à 10% en séance.

Plusieurs émissions obligataires ont été annulées ces derniers jours et des banques ont durci les conditions dans lesquelles des obligations d'entreprises peuvent être utilisées comme garanties, ont indiqué des traders et une source réglementaire.

"A court terme, nous n'excluons pas la possibilité que le risque de crédit continue de se propager, ce qui aggraverait l'anxiété du marché", a commenté Liu Wanjun chez China Asset Management.

Dans une tentative apparente d'apaiser les marchés, la Banque populaire de Chine (BPC) a injecté vendredi 160 milliards de yuans (20,5 milliards d'euros) de liquidités dans le système bancaire.

"Le sentiment actuel du marché est vraiment mauvais. Tout le monde est tellement inquiet que cela pourrait évoluer vers une crise du crédit", estime un trader obligataire.

(Samuel Shen, Andrew Galbraith et Winni Zhou, version française Laetitia Volga, édité par Marc Angrand)