Stephen Wilmot,

The Wall Street Journal

LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Toutes les spéculations sur le rôle du Brexit dans la décision d'Unilever de choisir Rotterdam, aux dépens de Londres, pour y établir son siège unique ne doivent pas faire oublier la question fondamentale: pourquoi a-t-il fallu choisir?

Cet impératif remonte à "la revue stratégique" engagée il y a un an par le géant anglo-néerlandais, en réaction au retrait de l'offre d'achat de 143 milliards de dollars présentée par Kraft Heinz (>> fiche valeur). Choquée que le groupe puisse être pris pour cible, la direction d'Unilever a compris qu'il lui faudrait gagner en souplesse pour remanier son portefeuille de marques. Sa structure bicéphale, avec une base de fonds propres répartie entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, fait obstacle aux grandes opérations de fusions-acquisitions.

C'est particulièrement vrai aux Etats-Unis. Si Unilever utilisait ses actions pour faire une offre sur Colgate-Palmolive (>> fiche valeur), une cible fréquemment citée, les actionnaires du groupe américain ne seraient pas en mesure, avec la structure actuelle d'Unilever, de transformer leur plus-value en investissement dans le groupe européen.

Structure décentralisée

Les cessions d'actifs seront également plus faciles à gérer avec une catégorie unique d'actions. Unilever aurait pu recevoir plus de 8 milliards de dollars pour son activité margarines l'an dernier si une scission avec distribution des titres aux actionnaires était apparue plus convaincante qu'une vente.

De nouvelles cessions d'actifs semblent plus probables qu'une acquisition majeure. Une structure d'entreprise moins centralisée, également annoncée jeudi, rendra la division alimentation plus facile à vendre … par exemple à Kraft Heinz. Unilever aurait par ailleurs du mal à justifier le recours à ses actions, qui se négocient 18 fois ses bénéfices attendus, pour acheter celles de Colgate, qui affichent un multiple de 22, à un moment où le géant du dentifrice voit sa croissance ralentir.

D'aucuns soupçonnent la manoeuvre d'avoir aussi un objectif moins avoué: celui d'éviter à Unilever de faire lui-même l'objet de nouvelles tentatives de rachat. Sur ce plan, les dispositions de la réglementation néerlandaise offrent un meilleur bouclier que la législation britannique, comme l'a montré l'échec de la tentative de PPG de mettre la main sur Akzo Nobel (>> fiche valeur) l'an dernier. Cette hypothèse ne semble pourtant pas fondée. Unilever a en effet décidé de s'affranchir de la fondation, ou "stichting", associée à sa holding néerlandaise - système qui avait permis à Akzo de repousser les avances de PPG - et de conserver son modèle britannique de gouvernance.

Le choix d'Unilever devrait au final encourager les opérations, et non les restreindre.

-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau) ed : LBO