Le champion français du vaccin vient d’annoncer être en discussions avancées avec la Commission Européenne pour fournir jusqu'à 60 millions de doses de son candidat vaccin inactivé contre la COVID-19. La nouvelle a fait bondir le titre de 14,6% ce mardi. Un plus haut historique pour ce candidat au Nasdaq. Entretien.

Franck Grimaud, en février dernier, vous nous indiquiez ne pas souhaiter vous lancer dans la course très disputée au vaccin contre la Covid-19. Pourtant, moins d’un an plus tard, vous annoncez que votre candidat-vaccin connait un vif intérêt. Que s’est-il passé ?

"Durant les mois qui ont suivi notre rencontre, nous nous sommes rendus comptes de l’importance de la diffusion du virus à travers le monde et du risque de le voir s’installer pendant plusieurs années. Aussi, nous souhaitions apporter notre contribution quand nous avons appris que nos confrères, américains notamment, avaient fait le pari d’une nouvelle technologie à base d’ARN messager…"

Quelle est l’avantage de votre technologie ?

"Notre vaccin VLA2001 est classique puisqu’il inocule un virus désactivé. Il s’agit donc d’une technologie déjà éprouvée qui devrait bien répondre aux préconisations des médecins concernant les populations à faible risque de déclencher une forme grave de la maladie, et qui pourrait également être utilisé chez les personnes immunodéprimées ou les femmes enceintes qui ne peuvent se faire vacciner avec les vaccins actuellement approuvés. L’intérêt qu’ont porté le gouvernement anglais et plus récemment la Commission Européenne valident cette thèse. Nous sommes les seuls en Europe et aux Etats-Unis à proposer cette forme inactivée, la Chine ayant également un candidat de ce type avec une efficacité de l’ordre de 75 à 85% très encourageante sachant que notre recours à un adjuvant devrait améliorer la performance du vaccin."

La technologie mRNA utilisée par Pfizer et Moderna a montré son efficacité en matière de vitesse de développement. Cela représente-t-il un risque technologique pour Valneva en matière de compétitivité dans l’industrie du vaccin ?

"A chaque fois que nous développons un nouveau vaccin, il s’agit de déterminer quelle pathologie n’est pas traitée, le potentiel du marché, puis d’identifier la plateforme technologique sur laquelle il est le plus judicieux de s’appuyer. Nous pourrons donc à l’avenir, dans certaines indications d’intérêt, accéder à ces plateformes technologiques via des partenariats. Dans la plupart des vaccins il y a des propriétés intellectuelles rémunérées via des accords de licence. Chaque technologie a ses avantages et ses limites. Celle que nous avons choisi pour combattre la Covid-19 trouvera sans doute sa place auprès des populations à faibles risques de déclencher une forme grave de la maladie et auprès des personnes ayant un système immunitaire affaibli car cette technologie, utilisée depuis plus d’une centaine d’années, a un profil d’innocuité reconnu et offre pour cette raison davantage de recul."

La vitesse à laquelle les laboratoires ont été capables de développer un vaccin ne va-t-elle pas modifier la procédure classique, très longue, de développement de candidats vaccins et, partant, les fondamentaux de l’industrie du vaccin ?

"Cette course au développement d’un vaccin contre la Covid a eu lieu dans des conditions très particulières. L’accès aux sujets, le lancement des essais en double aveugle, les révisions d’études, etc. : tout a pu être réalisé avec une rapidité exceptionnelle. Pour autant, même dans ces conditions, le succès des candidats vaccins américains n’était pas garanti."

Quel est le potentiel de chiffre d’affaires pour Valneva sur ce traitement et à quel horizon ?

"Dans le cadre du contrat avec le gouvernement britannique, nous avions déjà annoncé la livraison à fin 2021 de 60 millions de doses pour 470 M€, sachant qu’il faut deux doses par traitement. Cela nous permet d’autofinancer, avec les avances du gouvernement britannique, la construction d’une nouvelle usine en Ecosse, opérationnelle en juin prochain avec un objectif de production de 150 à 200 millions de doses en 2022. Pour ce qui est de nos discussions avancées avec la Commission Européenne, elles portent sur la fourniture de jusqu’à 60 millions de doses en cas de réception d’une autorisation initiale de mise sur le marché au second semestre 2021. Nous ne donnons pas d’indication sur le prix même si la logique voudrait qu’il soit un peu supérieur au prix britannique puisqu’ils ne participent pas au financement de nos essais cliniques et au développement de nos capacités de production. Le prix sera dans la fourchette des vaccins concurrents. A noter que ces développements ne feront pas appel à la trésorerie du groupe de 204 M€ à fin décembre."

La marge sera-t-elle semblable sur ce vaccin aux autres vaccins du groupe malgré le recours aux adjuvants de Dynavax ?

"Les conditions du contrat britannique leurs sont logiquement favorables car ils nous auront aidé au départ du projet, mais avec la montée en puissance du vaccin, nous devrions rapidement obtenir des marges normatives."

Votre candidat vaccin contre la Covid-19 sera-t-il efficace contre les virus mutants ?

"Nous pensons justement qu’en utilisant un vaccin inactivé nous devrions théoriquement plus facilement  conserver l’efficacité du vaccin en cas de mutation car avec cette approche vous conservez l’intégralité de l’enveloppe du virus contrairement à d’autres vaccins qui ne ciblent qu’une seule protéine du virus et vous générez donc une grande variété d’anticorps. L’ajout  de l’adjuvant de Dynavax devrait favoriser cette capacité d’adaptation et l’effet dans la durée de notre vaccin."

Valneva est en train de changer d’échelle, et vient de voter en Assemblée Générale sa candidature à une IPO au Nasdaq. Quelles sont vos perspectives sur ce point ?

"Effectivement, de 500 personnes à fin 2020, nous devrions passer à 800 personnes à la fin 2021…Au-delà du succès ou non de la mise sur le marché de notre vaccin, de nombreuses questions restent en suspens : rythme des campagnes de vaccination pays par pays, campagnes de rappel, stocks de sécurité, mutations du virus, etc. Concernant notre cotation au Nasdaq, nous espérons une poursuite du rerating de la valeur si le vaccin Covid réussit car cela augmentera notre taille, notre récurrence et notre profitabilité. La question du calibrage du flottant, ni trop petit pour attirer les investisseurs, ni trop grand pour ne pas trop diluer nos actionnaires, se posera. Cela dépendra également des conditions de marché…"

Pour finir : comment se porte votre activité historique de vaccins pour voyageurs ?

"Elle est bien sûr actuellement très affectée par la fermeture des frontières. Cependant, comme nous avons pu le constater par le passé après une pandémie, les voyageurs seront davantage près à se faire vacciner quand ils voyageront de nouveau. Et nous avons par ailleurs signé en septembre 2020 un nouveau contrat de trois ans avec le gouvernement américain pour la fourniture de notre vaccin contre l’encéphalite japonaise IXIARO, ce qui devrait nous permettre, malgré la pandémie, de nous assurer un bon niveau de ventes."