Veolia et Suez s'envolent respectivement de 8,06% à 24,39 euros et 8,08% à 19,93 euros après l'annonce d'un accord de principe. Les deux frères ennemis de l'eau et des déchets fument le calumet de paix à l'issue de près de huit mois d'une bataille acharnée. En première lecture, les termes de l'accord satisfont effectivement les deux protagonistes à l'aune de leurs ambitions réciproques. Suez jugeait l'offre de Veolia de 18 euros insuffisante. Elle est relevée à 20,5 euros. Veolia estimait que le périmètre de cession proposé dans la contre-offre de Suez était chiche. Il est élargi.

Les deux groupes l'assurent : l'accord trouvé hier soir, soit neuf jours avant la fin de délai accordé à Veolia par Suez, va permettre la constitution d'un "nouveau Suez" composé d'actifs formant un ensemble cohérent et pérenne sur le plan industriel et social, et doté d'un réel potentiel de croissance, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 7 milliards d'euros, soit un montant à mi-chemin entre les propositions des deux parties.

En février, l'OPA de 11,2 milliards d'euros (pour 100% de Suez) déposée par Veolia, en position de force depuis le rachat de 29,9% du capital de son concurrent auprès d'Engie en octobre dernier, visait les 70,1% du capital qu'il ne détenait pas. Le groupe avait ensuite prévu de céder les activités de Suez en France, soit environ cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires, au fonds tricolore Meridiam pour des raisons de concurrence.

Suez avait riposté en proposant que Veolia cède, à l'issue de l'OPA, l'ensemble de ses activités françaises " eau " et " recyclage et valorisation ", ainsi que des activités " eau et technologie " à l'international à une équipe composée du fonds français Ardian et du fonds américain Global Infrastructure Partners (GIP). Le chiffre d'affaires des activités ciblées atteignait 9,1 milliards d'euros. Un périmètre que Veolia a immédiatement jugé trop réduit.

Les deux sociétés soulignent que l'accord permettrait également la mise en œuvre du projet de Veolia de constitution du champion mondial de la transformation écologique, de l'ordre de 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires, au travers d'une OPA à près de 13 milliards d'euros de Suez, au sein duquel demeureront tous les actifs stratégiques identifiés par Veolia, une victoire pour ce dernier.

Conformément cette fois-ci à l’exigence de Suez, il permettrait en outre la réitération des engagements sociaux de Veolia pour une durée de quatre ans après la clôture de l'offre.

Le "nouveau Suez" devrait être détenu par un groupe d'actionnaires comprenant des partenaires financiers des deux groupes et les salariés. L'actionnariat du nouveau Suez devra être majoritairement français. Meridiam, Ardian et (GIP, ainsi que la Caisse des dépôts (CDC) et les salariés figureront au rang des actionnaires.

Le périmètre du "nouveau Suez" sera constitué des activités du groupe dans l'eau municipale et le déchet solide en France (y compris CIRSEE le principal centre de recherche en France), ainsi que ses activités notamment dans l'eau et dans les géographies suivantes : Italie (y compris la participation dans Acea), République tchèque, Afrique (y compris la Lydec), Asie Centrale, Inde, Chine, Australie, et les activités monde digitales et environnementales (SES). A priori donc, Veolia prendrait le contrôle de l'ex-GE Water, racheté à prix d'or par Suez en 2017.

Comme promis par Suez, cet accord de principe prévoit la résiliation des accords avec l'australien Cleanaway et la suspension de toute autre cession significative, la désactivation de la fondation néerlandaise et la suspension des procédures en cours.

Les deux groupes ont convenu de conclure des accords définitifs de rapprochement d'ici le 14 mai prochain.

Philippe Varin, président du conseil d'administration de Suez a déclaré : " Nous avions appelé de nos voeux une solution négociée depuis de longues semaines et nous avons aujourd'hui trouvé un accord de principe qui reconnaît la valeur de Suez. Nous serons vigilants à ce que les conditions soient réunies pour parvenir à un accord définitif permettant de mettre fin au conflit entre nos deux sociétés et offrant des perspectives de développement ".

Pour le PDG de Veolia, Antoine Frérot, " cet accord est bénéfique pour tout le monde : il garantit la pérennité de Suez en France de manière à préserver la concurrence et il garantit l'emploi. Toutes les parties prenantes des deux groupes sortent donc gagnantes. Le temps de l'affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence ".

Valeurs citées dans l'article : Veolia Environnement, Suez