PARIS (awp/afp) - Le raid de Veolia sur son concurrent Suez donne lieu depuis des mois à une bataille âpre et Suez a mis sur la table dimanche une proposition pour tenter d'en sortir:

Engie prêt à vendre Suez

Vendredi 31 juillet, après des années d'indécision, Engie se dit prêt à céder sa participation dans Suez: "tout est ouvert", annonce son président Jean-Pierre Clamadieu.

Le géant de l'énergie détient 32% dans le numéro 2 mondial de l'eau et des déchets. Il veut se recentrer sur ses activités énergétiques.

Préparatifs aoûtiens

Dans l'été, Veolia saisit la balle au bond et peaufine son offre, baptisée "opération Sonate".

Le PDG Antoine Frérot raconte avoir appelé le 3 août le directeur général de Suez Bertrand Camus: "+Bertrand, ne pensez-vous pas qu'il serait temps de nous rencontrer pour envisager un rapprochement?+ Il m'a dit: +je ne suis pas intéressé+".

Il ira aussi expliquer son projet au gouvernement, notamment au Premier ministre.

L'annonce de Veolia

Le 30 août, Veolia dévoile sa proposition: racheter à Engie 29,9% des parts de Suez (au-delà de 30% il aurait dû déclencher une OPA immédiatement) contre 2,9 milliards d'euros, puis lancer une OPA sur le solde des actions. L'offre pour créer un "champion français de la transformation écologique" dans un marché mondial en pleine croissance vaut jusqu'au 30 septembre.

Suez se rebiffe

Le 31 août, le conseil d'administration de Suez juge l'offre "porteuse de grandes incertitudes".

Le 2 septembre, le ton se durcit: dans une lettre aux salariés, Bertrand Camus décrit une opération "hostile", avec "des risques majeurs pour nos emplois".

Les syndicats embrayent, s'alarment notamment pour la branche Eau, que Veolia prévoit de céder au fonds Meridiam pour répondre aux obligations antitrust. Le 8 septembre, première journée de grève à l'appel de l'intersyndicale de Suez. Veolia certifie que tous les emplois seront préservés.

Engie gourmand

Le 4 septembre, Engie estime que "le compte n'y est pas" sur le prix proposé par Veolia. Deux semaines plus tard, le conseil d'administration appelle Veolia à "améliorer son offre", se dit "ouvert" à tout plan B de Suez.

Le gouvernement temporise

Le 3 septembre, alors que les élus locaux ont exprimé leurs préoccupations, Jean Castex estime que le plan de Veolia "fait sens".

Le 16 septembre, le ministre de l'Economie joue l'apaisement en recevant la direction de Suez. L'Etat, principal actionnaire d'Engie, ne compte "pas se précipiter".

Le 4 octobre, à la veille de l'expiration du nouveau délai obtenu par Engie, Bruno Le Maire appelle pourtant les deux rivaux à conclure rapidement "un accord amiable".

Suez contre-attaque

Le 22 septembre, Suez avance les mérites de son plan stratégique, promet d'accroître les dividendes. Le lendemain, son président Philippe Varin dit avoir besoin de plusieurs semaines pour trouver des investisseurs alternatifs.

Le soir même, Suez dégaine une arme surprise: la création d'une fondation destinée à mettre à l'abri son activité Eau France. Antoine Frérot dénonce une "pilule empoisonnée".

Manoeuvres dilatoires

Le 30 septembre, Veolia améliore son offre à près de 3,4 milliards d'euros et s'engage auprès de Suez à ne déposer pendant six mois "une offre publique portant sur 70,1% du capital de Suez qu'à la condition qu'elle soit amicale".

Suez repousse immédiatement des propositions "floues" de Veolia, et redemande du temps à Engie.

Ce dernier accueille "favorablement" la nouvelle offre de Veolia, mais obtient de Veolia un délai supplémentaire jusqu'au 5 octobre pour qu'il formalise son engagement de ne pas lancer d'OPA inamicale.

Ardian sort du bois

"Soutenu" par Suez et "intéressé" pour racheter les parts d'Engie, le fonds d'investissements Ardian sort du bois le 1er octobre. Le président d'Engie qualifie cette approche de "vague marque d'intérêt qui ne contient ni prix, ni le consortium d'investisseurs" promis.

Poker menteur

Le 4 octobre, Veolia jure s'être engagé à ne pas lancer d'OPA hostile sur Suez, qui dénonce un communiqué "trompeur" et juge que l'opération "reste hostile".

A l'affût, Engie exige qu'Ardian s'engage fermement à un prix au moins égal à celui de Veolia.

Engie dit oui à Veolia, malgré l'Etat

Le 5 octobre, Ardian renonce à déposer une contre-offre. Le conseil d'administration d'Engie valide la vente de 29,9% de Suez à Veolia, en dépit du vote contraire de l'Etat.

Suspension de l'opération

Le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris suspend l'opération d'acquisition tant que les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France n'auront pas été consultés. Une décision qui ne remet toutefois pas en cause l'acquisition sur le fond.

"Pas de dialogue"

Le 28 octobre, à l'occasion de la présentation des résultats du 3e trimestre de Suez, Bertrand Camus acte le statu quo, indiquant qu'"il n'y a pas de dialogue, sous quelque forme que ce soit, avec Veolia".

Le 5 novembre, le président de Suez dit non à une tentative de rapprochement de Veolia faite en direction du conseil d'administration de Suez.

Ardian fidèle

Le 13 novembre, le fonds Ardian se dit toujours prêt à jouer un rôle au sein du groupe d'eau et de déchets Suez.

Suspension confirmée

Le 19 novembre, la cour d'appel de Paris confirme la suspension de l'opération d'acquisition par Veolia des actions d'Engie dans Suez, au nom du respect des droits des salariés de Suez.

Les huissiers entrent en scène

Le 26 novembre, des saisies ont eu lieu chez Veolia, Engie et Meridiam après une requête de Suez devant le tribunal de commerce de Nanterre destinée à faire vérifier que l'opération est "régulière à tous égards". Veolia dit n'avoir "rien à cacher".

Début décembre, Veolia adresse une sommation par huissier à plusieurs experts, dont l'économiste Elie Cohen, quant à leur lien direct ou indirect avec Suez, après qu'ils furent intervenus publiquement sur le projet de fusion.

Main tendue

Le 10 décembre, pour tenter de débloquer la paralysie liée à la non-consultation des CSE, Veolia offre au personnel de Suez un "accès privilégié" pour venir consulter de nouveaux documents.

Le 12 janvier, les comités d'entreprise de Suez, qui doivent rendre un avis sur le projet de rachat du groupe, assignent en justice Suez, Veolia et Engie pour obtenir "les documents nécessaires à un avis éclairé et motivé".

Veolia repart à la charge

Le 7 janvier Veolia relance son offensive en adressant à Suez le détail de son projet d'offre, estimant avoir franchi ainsi une nouvelle étape dans le rapprochement "inéluctable" des deux rivaux.

La paralysie continue

Le 15 janvier, le juge des référés du tribunal de Paris se déclare "incompétent" face à la demande de Veolia de débloquer l'opération d'acquisition gelée depuis octobre.

Le plan B de Suez... et le niet de Veolia

Le 17 janvier, Suez annonce avoir obtenu le soutien des fonds français Ardian et américain Global Infrastructure Partners (GIP) pour proposer une "solution amicale" et "rapide" à Veolia, afin de sortir du "blocage". Différents scénarios sont à l'étude, s'adressant à "tous les actionnaires". L'un d'eux inclurait de... racheter les actions acquises par Veolia.

Mais Veolia réplique aussitôt en annonçant qu'il refuse de vendre sa participation de 29,9% dans Suez.

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