Paris (awp/afp) - Veolia s'est dit prêt mardi à "discuter" avec Engie de son projet de rachat de sa participation dans Suez, alors que Suez, opposé à une fusion, affirme que ce rapprochement menacerait 10.000 emplois dans le monde.

Suez, spécialiste du traitement de l'eau et des déchets, bataille depuis fin août pour son indépendance, depuis que son actionnaire principal, Engie, s'est vu offrir par Veolia de lui céder ses 29,9% de parts pour 2,9 milliards d'euros.

Mardi en fin d'après-midi, Veolia a annoncé être prêt à discuter" avec Engie, qui lui avait demandé d'améliorer son offre.

"Les discussions sont possibles sur l'ensemble du projet. Le prix en est une des composantes", a déclaré à l'AFP la directrice générale adjointe du leader des services à l'environnement, Estelle Brachlianoff.

Ces déclarations sont arrivées à la suite d'une passe d'armes entre Veolia et Suez sur l'impact social d'un potentiel rapprochement.

"Evidemment que ça aboutirait à une casse sociale. On l'a chiffrée à 10.000 personnes dans le monde dont 4 à 5.000 en France", a affirmé le directeur général adjoint de Suez, Jean-Marc Boursier, devant quelques journalistes en marge d'une visite du Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement de Suez dans les Yvelines.

Il a précisé que ces calculs avait été faits "ensemble" avec Veolia en 2012, lorsqu'un rapprochement entre les deux groupes avait déjà été envisagé, puis abandonné, les discussions ayant notamment achoppé sur la probable position dominante sur le marché de l'eau en France de la nouvelle entité qui aurait été créée.

"Quand on a vu le caractère effroyable du nombre de licenciements qu'on devait faire, on a refermé le dossier", a souligné M. Boursier.

Veolia n'a pas tardé à répliquer: "Bertrand Camus (le directeur général de Suez, NDLR) et son équipe ont vendu 13.000 salariés de leur groupe sur les 90.000 en un mois. Notre projet préservera 100% des emplois qu'il reste. Chaque salarié conservera 100% de ses avantages sociaux. Nous l'avons dit, nous le garantissons, nous réaffirmons être prêts à l'écrire", a indiqué le groupe dans une réaction transmise à l'AFP.

"Dix mille emplois c'est ce que Suez a cédé comme effectifs sur la semaine qui vient de passer", avec l'annonce de la cession de plusieurs activités en Allemagne ou encore en Suède, a précisé Estelle Brachlianoff.

monter une contre-offre

Côté syndical, la CGT a aussi fait ses calculs, arrivant à la même conclusion que Suez: "l'autorité de la concurrence demandera certainement à Veolia de céder des pans entiers d'activité. Il y aura forcément une grosse casse sociale (...) Ce sont 29.000 emplois chez Suez (en France), dont 75% devront être cédés. Si on applique le taux de 20% qui est retenu pour les restructurations, cela fait 4 à 5.000 emplois supprimés" en France, a précisé Franck Reinhold von Essen, secrétaire (CGT) du Comité d'entreprise européen de Suez.

A l'appel de leur intersyndicale, plusieurs centaines de salariés de Suez ont manifesté mardi devant la tour d'Engie à la Défense.

Suez s'est également lancé mardi dans une opération séduction à l'adresse des actionnaires: dans un communiqué, il s'est déclaré en avance sur les objectifs de sa stratégie, destinée à le concentrer sur des services à forte valeur ajoutée, et a affirmé son "potentiel unique de création de valeur" en tant qu'entreprise indépendante.

Un dividende exceptionnel d'au moins un milliard d'euros est notamment promis aux actionnaires "dès que possible et au plus tard au 1er semestre 2021".

Avec son plan à horizon 2030, le numéro deux mondial du secteur espère notamment prendre à Veolia sa place de numéro un.

Selon la direction, le plan stratégique de Suez, annoncé en octobre 2019, "a bien avancé", notamment son volet cessions-acquisitions pour 3 à 4 milliards d'euros. Les investissements vont cibler des domaines à forte croissance, tandis que 1,2 milliard d'euros d'économies annuelles à partir de 2023 sont prévues.

Croissance et rentabilité devraient ainsi permettre de "doubler la valeur" pour les actionnaires dès 2022, dit Suez. A condition que le groupe reste "indépendant", adjectif de nouveau martelé mardi par ses dirigeants.

Tout en amplifiant son plan stratégique, Suez est dans le même temps en recherche active et urgente d'investisseurs alternatifs afin de faire une contre-offre à Engie. Celui-ci tient vendredi son prochain conseil d'administration, destiné à examiner toutes les propositions sur la table.

afp/rp