Vilmorin & Cie : Lettre aux actionnaires – Focus Ukraine-Russie

Au 31 mars 2022, le chiffre d'affaires de Vilmorin & Cie s'élève à 1 158,4 millions d'euros, en progression de 4,8 % à données courantes et de 4,0 % à données comparables, par rapport à l'exercice précédent.

Répartition et évolution du chiffre d'affaires

• la fin du 3e trimestre
  par activité
  (en millions d'euros)

Semences de Grandes Cultures

660,3 (+10,8 %)

Semences Potagères

455,0 (-3,0%)

Produits de Jardin et Holdings

43,1(-10,6%)

Semences Potagères

Au 31 mars 2022, le chiffre d'affaires des Semences Potagères s'établit à 455,0 millions d'euros (- 3,0 %*).

Le trimestre qui s'achève se caractérise par un net ralentissement de l'activité, notamment sur le mois de mars, en raison d'un marché peu dynamique, dans un environnement très tendu : faible valorisation du marché des produits maraîchers, hausse sans précédent du prix des intrants agricoles, problèmes récurrents de disponibilité de main d'œuvre ou d'accès à l'eau, ou encore report partiel des surfaces de cultures de plein

champ vers les productions céréalières, conséquence directe de l'envolée du prix des matières premières agricoles.

De nombreux contrastes sont observés selon les géographies. Stable sur le continent américain, le niveau d'activité est en progression dans le nord de l'Europe et en Turquie, au bénéfice d'une demande importante à l'export, de commandes anticipées de semences et de températures clémentes. Ailleurs, les moindres performances s'expliquent

• la fois par le contexte économique et géopolitique (Europe de l'Est, Moyen-Orient,

Afrique), le facteur climatique (sud de l'Europe, côte ouest des États-Unis, Inde, Australie), ainsi que le retour de mesures strictes de confinement en Chine.

Enfin, la dynamique constatée sur plusieurs espèces stratégiques (tomate, poivron, piment, carotte - hors Europe) vient confirmer la performance de la génétique de Vilmorin & Cie. Une même dynamique de la demande concerne des espèces plus locales, comme la courge kabocha en Corée du Sud.

Au 31 mars 2022, le chiffre d'affaires des Semences de Grandes Cultures s'établit à 660,3 millions d'euros (+ 10,8 %*).

En Europe, le conflit russo-ukrainien, qui affecte directement la principale zone de production de tournesol au monde et une importante zone de production de maïs en Europe, vient perturber l'activité à la fin du 3e trimestre 2021-2022. Les ventes de semences de ces deux espèces subissent ainsi les premiers effets de la réduction des surfaces agricoles en Ukraine - voir dossier pages suivantes -, ainsi que des difficultés logistiques pour acheminer les commandes, aussi bien en Ukraine qu'en Russie. Malgré ces bouleversements, Vilmorin & Cie démontre une nouvelle fois sa capacité

de résilience : à l'échelle du continent, la campagne maïs est très bien orientée, au terme d'un mois de mars particulièrement réussi. Le tournesol est en recul, mais quelques opportunités sont attendues en Europe de l'Ouest. Enfin, après une campagne d'automne très satisfaisante, la campagne de printemps en céréales connaît un bon début.

En Amérique du Sud, l'activité du 3e trimestre affiche une croissance à deux chiffres, en particulier au Brésil, grâce à une importante progression des ventes de maïs « safrinha ». Vilmorin & Cie accroît fortement ses positions commerciales sur cette espèce dans le pays. De même, les ventes de semences de soja sont en hausse notable.

Contribution des sociétés mises en équivalence

En Amérique du Nord, dans un contexte inflationniste généralisé - notamment sur le prix des intrants agricoles -, la contribution d'AgReliant est pénalisée par une baisse des ventes de semences de maïs au bénéfice de semences de soja, moins consommatrices en engrais azotés, mais dont le niveau de marge reste inférieur.

En Afrique, Seed Co enregistre une progression dynamique de l'activité sur l'ensemble des pays, à l'exception du Malawi et de sa base au Zimbabwe, en raison de modifications de certains programmes gouvernementaux.

Objectifs et enjeux de fin d'exercice

Au regard des neuf premiers mois de l'exercice, dans un contexte d'incertitudes persistantes liées au conflit russo-ukrainien et à la poursuite de tensions inflationnistes généralisées, Vilmorin & Cie procède à une seconde révision de ses objectifs.

Chiffre d'affaires consolidé : croissance d'environ 5 %*

Objectif initial : au moins 4 %*

Taux de marge opérationnelle courante d'au moins 7,5 %, intégrant un effort de recherche similaire à l'exercice 2020-2021.

Objectif initial : confirmé

Contribution des sociétés mises en équivalence - principalement AgReliant -

• un niveau ne dépassant pas 20 millions d'euros
  Objectif initial : confirmé

* À données comparables.

Le chiffre d'affaires annuel 2021-2022 sera publié le 1er août 2022,

après clôture de Bourse.

ENTRETIEN

CROISÉ

Franck BERGER,

Directeur Général Délégué

Élisabeth FAYOLLE,

Directrice Gestion des Risques

Dès le début du conflit russo-ukrainien, une cellule de crise a été mise en place. Quelle a été

sa priorité ?

Franck BERGER : Bien évidemment, la mise en sécurité de nos équipes en Ukraine ! Nous avons maintenu un contact permanent avec ces dernières et avons pu organiser la mobilité des salariés et de leurs proches souhaitant fuir les zones de combat. Une vingtaine de familles ont ainsi été accueillies dans des pays limitrophes, notamment la Pologne, par des collègues de notre filiale Limagrain Europe, dans un élan de soutien et de solidarité remarquable et inédit. Elles ont systématiquement bénéficié d'une couverture de santé et de prévoyance. Une cinquantaine d'autres familles se sont relocalisées à l'ouest de l'Ukraine. Tous nos salariés ukrainiens ont bénéficié du versement d'une avance

allant jusqu'à deux mois de salaire, ainsi que d'indemnités pour charges exceptionnelles. Le plus important enfin : à ce jour, tous sont sains et saufs !

Quels sont les principaux facteurs de risque identifiés sur la zone Ukraine-Russie pour Vilmorin & Cie ?

Élisabeth FAYOLLE : Au-delà de l'impact économique direct de ce conflit, nous avons identifié quatre principaux risques sur la zone. Tout d'abord, une perturbation, voire un arrêt de la chaîne d'approvisionnement, en raison du refus de certains transporteurs de livrer nos semences. Un risque de recouvrement des créances clients ensuite, même si notre politique commerciale dans la zone prévoyait des couvertures de paiement, telles que des prépaiements, lettres de

crédit ou chèques Coface. Autre risque majeur, celui du change, avec de fortes fluctuations des devises russes et ukrainiennes. Un dernier risque, et non des moindres, concerne nos systèmes d'information, avec l'identification d'une menace cyber accrue dans la zone. Les serveurs de nos filiales ukrainiennes et russes ont ainsi été isolés et des actions de sensibilisation auprès de l'ensemble de nos salariés ont été conduites.

Comment se présente l'activité, à la fin du troisième trimestre 2021-2022, dans la zone ?

Franck BERGER : Globalement, à l'échelle de l'ensemble de nos marchés, le conflit russo-ukrainien a eu certains impacts indirects sur la performance de la branche Semences Potagères. En revanche, l'activité Semences de Grandes Cultures a bien résisté, même mieux que nous ne l'avions envisagé initialement. En Ukraine, nous considérons que, pour l'exercice 2021-2022, l'activité s'est arrêtée à la fin du mois de février, lorsque le conflit a démarré. Nous ne dépasserons pas 60 % du chiffre d'affaires réalisé l'an passé, même si les efforts de nos équipes sur place pour livrer des semences ont été exceptionnels, en dépit des risques encourus et de très fortes difficultés logistiques. En Russie, au contraire, l'activité s'est poursuivie de façon quasi normale et

nous constatons une progression des ventes. Notre principale préoccupation concernait le rouble : après avoir fortement chuté, son taux est maintenant remonté à des niveaux inédits sur la fin de l'exercice.

La Russie, justement : Vilmorin & Cie a choisi d'y poursuivre ses activités. Pourquoi ?

Franck BERGER : D'une part parce que les semences sont, par nature, exclues du champ des sanctions internationales. Ensuite, nous avons considéré qu'il était de notre responsabilité de ne pas interrompre les flux engagés à destination des producteurs russes, afin de ne pas pénaliser la production agricole mondiale et prévenir ainsi toute aggravation des tensions en matière d'approvisionnement, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Nous avons cependant acté la suspension du projet de construction d'une usine de semences en Russie, lequel avait été inscrit dans notre plan pluriannuel d'investissements.

En parallèle, nous avons répondu présents à l'appel de l'Union européenne en offrant à l'Ukraine des semences potagères pour une valeur importante. Ce don va contribuer à l'alimentation de la population ukrainienne et à soutenir l'activité économique du pays.