Numéro un mondial de la fabrication de boyaux artificiels conçus à partir de collagène, de cellulose, de fibre, de plastique ou de matières organiques, ses solutions sont indispensables à l'industrie agro-alimentaire — principalement pour la préparation et la conservation de produits carnés.

Graphique Viscofan, S.A.

Derrière ce profil admettons-le peu ragoûtant se cache un avantage compétitif enviable, car l'échelle industrielle de Viscofan, sans équivalent parmi ses pairs, lui permet de dominer son industrie et de détenir plus d'un tiers des parts du marché mondial.

Comme ses clients exigent un partenaire fiable et réactif pour assurer la sécurité alimentaire de produits carnés rapidement périssables — les normes sont strictes et les enjeux réputationnels élevés — cette capacité de Viscofan à délivrer aux quatre coins du monde en temps et en heure le distingue de ses rivaux aux rayonnements plus localisés.

Construite grâce à une stratégie de développement bien pensée — en témoigne les percées dans les gammes cellulose et "veggie" — et de multiples acquisitions ciblées, typiquement de petite taille et faciles à intégrer, cette supply chain tentaculaire consacre la position compétitive du groupe, et tient à l'écart d'éventuels nouveaux entrants.

Ici comme ailleurs, son échelle supérieure se traduit dans un catalogue de solutions exhaustif, une productivité plus élevée et un coût de production unitaire inférieur à la concurrence. Cette dernière caractéristique est évidente lorsqu'on compare le profil de marges de Viscofan à celui de ses concurrents, puisque le groupe espagnol reste le seul à atteindre de tels niveaux de profitabilité.

Malgré une industrie à la croissance anémique — pas plus de 1% ou 2% sur une base annualisée — les chiffres d'affaires et les cash-flows augmentent avec régularité depuis 2010, notamment grâce aux séries d'acquisitions. La position financière n'en demeure pas moins excellente, et le management ne juge pas nécessaire de prendre du levier pour doper la rentabilité des capitaux propres — 15% de moyenne en l'état.

Comme Viscofan produit à la demande, puis livre et se fait payer rapidement, le besoin en fonds de roulement est gardé sous contrôle même durant les pics d'activité. Ceci libère du cash pour financer les investissements dans les immobilisations ("capex"), qui eux restent élevés, et augmenter la distribution de dividendes au fur et à mesure que le chiffre d'affaires croît.

Pour citer Peter Lynch — autrefois gérant du fonds Magellan et auteur de l'excellent One Up On Wall Street — l'un des avantages d'une industrie sans glamour ni croissance est qu'elle n'intéresse pas une concurrence possiblement bien capitalisée, qui lui préfère par exemple des débouchés dans des secteurs plus rentables. Ceci permet aux acteurs bien installés — comme Viscofan dans la production de boyaux artificiels — de défendre leurs prés carrés à moindres frais et de se concentrer sur la capture de parts de marché supplémentaires.

Notons que le groupe espagnol a brillé dans cet exercice, et que sa performance opérationnelle surpasse celle de tous ses pairs, dont les EBITDAs déclinent sous l'effet conjugué de charges salariales plus élevées et d'une inflation du coût des matières premières.

Pour Viscofan, dont l'activité reste pour l'instant relativement insensible à la crise du COVID-19 — ceci pourrait changer si la situation s'aggravait aux Etats-Unis — ce risque d'inflation du coût des matières premières — les graisses animales à partir desquelles est produite le collagène — est à prendre au sérieux. En effet, malgré ses mérites susnommés, le groupe ne jouit que d'un pricing power limité, dont il s'est toutefois remarquablement bien accommodé jusqu'alors.

Le dernier exercice s'achève néanmoins sur une performance record, autant en termes de ventes que de profits. L'acquisition à €13mil du japonais Nitta Casings — là aussi ciblée et de petite taille — permet à Viscofan de grignoter 2% de parts de marché supplémentaires, de 34% à 36%. Cette actualité sert bien entendu favorablement le cours de l'action, et conduit les analystes qui suivent le groupe — dont le consensus est sondé en temps réel par Zonebourse — à relever leurs anticipations.

Comme le titre cote déjà à des multiples de valorisation élevés, ces derniers s'attendent sans doute à l'annonce d'une fusion-acquisition majeure, par exemple avec l'un des trois autres poids-lourds du secteur — Devro plc, Viskase Companies ou Shenguan Holdings. Sous réserve qu'elle ne contrevienne pas aux législations anti-trust, une telle opération consacrerait la domination d'un leader mondial désormais irrattrapable.

Une expansion orientée vers l'Asie — où Viscofan génère déjà 15% de son chiffre d'affaires consolidé — fait le plus de sens. C'est en Chine que la consommation de produits carnés augmente au rythme le plus soutenu, et le pays est récemment devenu le premier producteur mondial de viandes. Les récurrents scandales de sécurité alimentaire pourraient par ailleurs contribuer à éliminer une concurrence locale à bas coût, moins fiable en termes de qualité.

Le groupe espagnol conserve là-bas une carte à jouer grâce à son échelle globale et à sa supériorité technologique. C'est sur ce scénario que parient les analystes et Zonebourse, qui intègre l'action Viscofan à son portefeuille Europe PEA.