Cette opération, saluée par certains comme un recentrage audacieux, avait été farouchement contestée par CIAM, un fonds activiste parisien qui tient depuis des années le rôle de poil à gratter du capitalisme tricolore. Selon lui, la manœuvre permettait au groupe Bolloré de consolider son emprise sur Vivendi, sans pour autant se soumettre aux contraintes d’une offre publique d’achat obligatoire.
Saisie par CIAM après le feu vert de l’AMF en novembre 2024, la justice a finalement tranché. Dans sa décision rendue mardi, la cour d’appel annule la validation initiale de l’opération par le régulateur boursier, estimant qu’elle n’était pas suffisamment motivée. Surtout, elle établit noir sur blanc que Vincent Bolloré, à travers les droits de vote dont il dispose via le groupe éponyme, a bel et bien dicté les décisions prises en assemblée générale chez Vivendi. Dès lors, conclut-elle, il y a contrôle au sens du Code de commerce.
Une lecture qui pourrait rebattre sérieusement les cartes. La cour demande ainsi à l’AMF de reprendre le dossier, d’en examiner les conséquences pour les actionnaires minoritaires, et d’évaluer s’il aurait fallu – ou s’il faut encore – déclencher une offre publique de retrait sur les titres Vivendi. En clair : remettre les minoritaires au centre du jeu.
Pour CIAM, c’est une victoire claire et nette. "Cette décision de la Cour d’appel est une grande victoire pour les actionnaires minoritaires", a réagi Catherine Berjal, associée-gérante du fonds. "Elle reconnaît que les arguments que nous avons développés étaient fondés." CIAM ne cache pas sa satisfaction et en profite pour souligner l’enjeu systémique du dossier : "Ce combat dépasse le seul cas Vivendi. Il concerne les fondements de la confiance des investisseurs dans le système financier français."
Dans une réaction distincte, l’un des avocats du fonds, Me Julien Visconti, a salué "une décision historique" et loué "le rôle de gardien des droits des minoritaires" joué par la cour d’appel.
De leur côté, Vivendi et le groupe Bolloré n’ont pas encore réagi à cette décision, tout comme l’AMF, désormais sommée de reprendre sa copie.
Rappelons qu’en décembre dernier, Vivendi avait acté son démantèlement, avec la cotation séparée de ses principales entités – dont Canal+, désormais listée à Londres, Havas à Amsterdam et Louis Hachette à Paris. Une opération aux airs de libération stratégique... mais qui pourrait aujourd’hui se transformer en casse-tête juridique.