Vivendi a annoncé mercredi qu'il était sur le point d'acheter une autre participation dans Lagardère, propriétaire du magazine Paris Match, ouvrant ainsi la voie à une prise de contrôle complète qui étendrait l'influence de son actionnaire majoritaire, Vincent Bollore, sur le paysage médiatique français.

Vivendi, propriétaire de Canal+, qui détient déjà 27% de Lagardère, a déclaré qu'il avait accepté d'acheter la participation de 17,9% d'Amber Capital, pour 24,10 euros par action, soit environ 610 millions d'euros (720,3 millions de dollars).

Il a indiqué qu'il lancerait ultérieurement une offre complète sur Lagardère au même prix, une fois qu'il aura franchi le seuil de 30 % qui oblige les sociétés françaises à proposer une offre publique d'achat. Cela valoriserait Lagardère à environ 3,4 milliards d'euros, par rapport à sa capitalisation boursière de 2,7 milliards d'euros à la clôture de mercredi.

En cas de succès, l'acquisition de Lagardère marquera la fin de ce qui était autrefois l'un des champions industriels nationaux de la France, qui, sous la direction de son défunt fondateur, détenait des participations importantes dans des entreprises telles que le constructeur d'avions Airbus.

L'héritier et directeur général Arnaud Lagardere a vendu des parties du conglomérat petit à petit. L'année dernière, il a fait appel à des investisseurs tels que Vivendi et le magnat du luxe Bernard Arnault, alors qu'il tentait de repousser une campagne d'activisme menée par Amber.

Outre les activités de vente au détail de voyages et les activités d'édition, qui comprennent le label Hachette, le groupe possède encore des actifs médiatiques influents que Bollore et Arnault convoitent, selon des sources proches du dossier.

Il s'agit notamment de Paris Match, de l'hebdomadaire Journal du Dimanche et de la station de radio Europe 1, qui a déjà jeté des ponts avec la chaîne de télévision CNews de Bollore, une chaîne qui fait des scores d'audience élevés depuis son virage conservateur.

Selon certaines sources, les intentions médiatiques de M. Bollore en France ont mis à mal le cercle restreint du président Emmanuel Macron, certains craignant que la construction de son empire n'entraîne une inondation des ondes par des opinions plus droitières en vue de l'élection présidentielle de 2022.

Le milliardaire est également prêt à encaisser de l'argent alors que Vivendi s'apprête à introduire en bourse et à se séparer d'Universal Music Group en septembre, ce qui soulève des questions sur la manière dont il pourrait utiliser l'argent.

ANTITRUST

La vente de la participation dans Amber pourrait prendre des mois et nécessite d'abord des autorisations réglementaires, notamment de l'Union européenne, mais Vivendi a déclaré qu'il lancerait une offre au même prix une fois qu'il aurait obtenu les 45 %. Il vise décembre 2022 au plus tard.

Tout rachat ultérieur devra également surmonter d'éventuels problèmes de concurrence dans d'autres domaines, car Vivendi possède également une entreprise d'édition, Editis.

Mais de nombreux actionnaires de Lagardère seraient probablement prêts à vendre, y compris le Qatar Investment Authority, qui détient 11,5 %, selon des personnes connaissant bien le dossier.

Le patron de LVMH, Arnault, initialement pris dans un bras de fer autour de Lagardère, s'est largement retiré de la bataille. Il détient désormais 11 % du capital de Lagardère et a coupé les liens financiers avec l'héritier et directeur général de la société, Arnaud Lagardère, après avoir initialement investi dans sa société holding.

Lagardère a déclaré dans un communiqué qu'il était "ravi du projet d'investissement que Vivendi souhaite réaliser".

Amber Capital avait mené une campagne militante contre Lagardère, réussissant en grande partie à obtenir la refonte de la gouvernance qu'elle souhaitait après que la société ait supprimé cette année une structure de partenariat obscure qui servait d'appui aux prises de contrôle.

Les bureaux de Lagardère à Paris ont été perquisitionnés dans le cadre d'une enquête judiciaire mercredi, en relation avec les précédents litiges de la société avec des actionnaires tels que Amber.

Une source familière avec la direction de Vivendi a déclaré que la firme continuerait à soutenir Arnaud Lagardere en tant que PDG, et l'avait informé à l'avance de la démarche avec Amber. (1 dollar = 0,8469 euro) (Rapports de Gwenaelle Barzic et Sarah White à Paris, Rapports supplémentaires de Dominique Vidalon et Mathieu Rosemain ; Édition : Alexander Smith, Matthew Lewis et David Gregorio)