Paris (awp/afp) - Le géant français des médias Vivendi compte mardi sur l'approbation de ses actionnaires réunis en assemblée générale pour pouvoir tourner la page d'Universal Music Group (UMG), sa pépite valorisée 35 milliards d'euros (38,3 milliards de francs suisses) dont il entend distribuer 60% des parts avant de l'introduire en Bourse.

Présenté en mai, le projet semble à première vue une très bonne affaire pour les actionnaires de Vivendi, notamment le premier d'entre eux Vincent Bolloré qui contrôle le groupe avec 27% des parts.

Si l'opération est approuvée, chaque actionnaire devrait recevoir d'ici fin septembre une action UMG pour chaque action Vivendi détenue, sous forme d'un dividende exceptionnel - un mécanisme déjà validé par un changement des statuts du groupe fin mars.

Vivendi propose aussi le versement d'un dividende ordinaire de 60 centimes par action (environ 650 millions d'euros au total), similaire à celui de l'année précédente.

A la tête d'un catalogue allant des Beatles à Rihanna, en passant par Taylor Swift ou Lady Gaga, la major Universal installée à Santa Monica (Californie) est le joyau de l'empire Vivendi, qui possède également les groupes Canal+, Havas, Editis, Gameloft, et désormais Prisma Media.

La valorisation d'UMG, d'abord établie à 30 milliards d'euros à l'occasion de la cession d'une première tranche de 10% à un consortium mené par le champion chinois des technologies Tencent, est montée dimanche à 35 milliards d'euros lorsque Vivendi a annoncé avoir signé avec le financier américain Bill Ackman pour lui céder également 10% des parts d'UMG.

Une fois distribuée et cotée comme prévu à la Bourse d'Amsterdam (où elle a un siège historique), l'entreprise aurait quatre principaux actionnaires: le consortium mené par Tencent (monté cette année à 20% des parts), le groupe Bolloré (18%), Pershing Square Tontine (dirigé par Bill Ackman, 10%) et Vivendi (10%).

Mais le projet, complexe, manque de clarté sur l'utilisation par Vivendi du cash généré par toutes ces opérations.

"L'utilisation du produit de la vente (de 10% d'UMG à Pershing Square, ndlr) et la structure finale du capital de la société restent incertaines", estime dans une note Agustin Alberti, analyste principal du groupe chez Moody's.

Conséquences fiscales

Vivendi (dont près de 8% du capital est déjà auto-détenu) demande d'ailleurs à ses actionnaires de l'autoriser à racheter jusqu'à 50% de ses propres titres, une limite très élevée qui peut être interprétée comme un moyen pour le groupe Bolloré de renforcer son contrôle si ces titres venaient à être annulés.

Selon une source proche de Vivendi, cette résolution vise plutôt à "avoir les moyens de se défendre en cas d'opération hostile".

Pour rassurer le marché, le groupe Bolloré s'est engagé dans une lettre à ne pas demander de dérogation à l'obligation de dépôt d'offre publique s'il franchissait via ce mécanisme le seuil de 30% du capital.

Autre critique, le fonds activiste BlueBell Capital (déjà à la manoeuvre dans l'éviction d'Emmanuel Faber chez Danone) s'est manifesté pour demander à Vivendi de compenser les conséquences fiscales de la distribution d'un dividende en nature, dont sera exempté le groupe Bolloré grâce au régime d'exonération des dividendes entre sociétés mères et filles au sein de l'Union européenne.

"Ca me parait une manoeuvre de publicité pour un tout petit fonds", balaye le camp du groupe français.

En cas d'approbation du projet, le groupe Vivendi s'apprête en tout cas à tourner une page où sa valorisation reposait presque exclusivement sur UMG.

"C'est une nouvelle histoire qui va s'écrire, recentrée sur les médias, la publicité et l'édition", analyse Thomas Coudry, du cabinet Bryan Garnier & Co, et "il va falloir démontrer qu'il y a réellement des synergies au sein du groupe".

afp/al