Les opérateurs mobiles européens sont depuis trop longtemps coincés dans l’ornière. Vodafone et ses pairs doivent investir dans leurs réseaux, mais une compétition pléthorique — encouragée par le régulateur qui voyait là un moyen de faire baisser les prix et de protéger les consommateurs — leur interdit des retours sur investissements décents ; c’est à peine si les prix leur permettent d’absorber l’inflation. 

Les choses commencent enfin à changer, en Europe comme au Royaume-Uni. Au moins en apparence, puisque les consolidations pourraient désormais être encouragées, à condition qu’elles favorisent de grands programmes d’investissement dans la modernisation des réseaux. Vodafone l’a bien compris, et c’est en faisant miroiter à l’autorité de la concurrence britannique £11 milliards d’engagements capitalistiques que l’opérateur a emporté son accord pour la fusion avec Three

En outre, sous l’habile direction de Margherita Della Valle, la restructuration et les cessions d’actifs se poursuivent à rythme soutenu. Vodafone a ainsi pu rembourser £17 milliards de dettes en deux ans, ce qui lui permet de ramener ses ratios de solvabilité à des niveaux comparables à ceux d’Orange, ou en tout cas meilleurs que ceux de pairs comme British Telecom ou Telefónica. Du reste, ces efforts tombent à point au moment où de nouvelles hausses de taux se profilent. 

Sur l’exercice fiscal 2025, dont les comptes ont été publiés hier, Vodafone affiche un résultat comptable dans le rouge suite à une large dépréciation d’actifs en Allemagne, où l’opérateur a perdu cette année l’une de ses vaches à lait dans la télévision par câble. Il n’en assure pas moins un cash-flow libre opérationnel de £8.7 milliards, contre £10.3 milliards en 2023, l’année où Della Valle prit les commandes.

Comme Zonebourse l’avait annoncé l’an dernier, il a fallu couper dans le gras et nettement réduire la distribution de dividendes.  N’en demeure pas moins que la valorisation du moment apparaît particulièrment déprimée, puisque la capitalisation boursière de Vodafone représente un multiple d’à peine x2.3 son cash-flow libre ; et sa valeur d’entreprise un multiple de x5.6 celui-ci.

Une telle valorisation reflète la réalité d’un secteur d’activité totalement dysfonctionnel. En ce sens, le pivot des régulateurs européens et britanniques est plus que bienvenu. Epaulé de Telefonica, Nokia, Deutsche Telekom, Ericsson et Orange au sein d’un groupe de lobbying européen, Vodafone prévient cependant que ces mesures sont trop timides et n’y suffiront pas. 

Dixit ce groupe, il s’agira donc de parvenir à aller capter la croissance de marchés émergents, par exemple en en Afrique, au Moyen-Orient et en Turquie. Les exemples d’Orange ou de Telefónica n’ont pourtant pas tout à fait vérifié ce postulat. Voir à cet sujets Orange : Prise de recul et Telefónica : Soutiens de poids.