Francfort (awp/afp) - C'est désormais chacun sa route: le groupe Daimler a introduit vendredi sa division poids lourds Daimler Truck à la Bourse de Francfort et va poursuivre son histoire sous le nom de Mercedes-Benz en se concentrant sur ses berlines de luxe.

"Aujourd'hui est un jour absolument historique", a déclaré à l'AFP Martin Daum, patron de Daimler Truck, qui faisait partie du groupe de Stuttgart depuis plus d'un siècle.

"C'est comme la fin d'un marathon: on franchit la ligne d'arrivée, on a beaucoup travaillé, on est fatigué, mais aussi vraiment fier d'avoir réussi."

L'action a affiché 28 euros lors de sa première cotation peu après 08H00 GMT, valorisant le leader mondial des poids-lourds à quelque 23 milliards d'euros. Elle a atteint les 30 euros en cours de séance.

Sur le parquet de Francfort, des sirènes de camions ont retenti à l'annonce de la première cotation, s'ajoutant au son de la traditionnelle cloche agitée par M. Daum, aux côtés d'Ola Källenius, PDG de Daimler.

L'action Daimler, qui se renommera Mercedes-Benz à compter de février, gagnait dans le même temps 1,71% à 74,45 euros.

L'opération marque l'aboutissement de la plus vaste restructuration de Daimler depuis la vente de Chrysler en 2007.

Bientôt à l'indice boursier Dax

L'ancienne maison mère voit son périmètre réduit à la branche automobile.

La séparation doit permettre aux deux entreprises de mieux affronter les défis spécifiques liés à la fin des moteurs à combustion, qui représente encore "99,9% des ventes", selon M. Daum.

"Les voitures et les poids lourds n'ont plus aucun point en commun", abonde Frank Schwope, analyste chez Nord/LB.

Un exemple: les batteries sont au coeur de l'électrification des voitures tandis que "l'hydrogène joue un rôle important pour les camions", explique Ola Källenius, qui va garder la direction de Mercedes-Benz.

Camions et voitures servent aussi "des groupes différents, tant du côté des clients que des investisseurs", a-il-ajouté sur le parquet, évoquant un "grand jour" et un cours d'introduction "robuste".

L'action Daimler Truck devrait entrer d'ici quelques mois au Dax, l'indice des 40 plus grandes valeurs allemandes.

La cotation était attendue par les investisseurs à l'appétit insatiable pour toute compagnie fabriquant des véhicules électriques.

Daimler Truck a lancé en octobre la production de son camion électrique eActros et propose depuis 2018 un bus urbain électrique. Un modèle eActros paradait d'ailleurs vendredi matin devant la bourse.

Sa marque Freightliner, une référence aux Etats-Unis, va lancer un modèle de poids lourd électrique en 2022 face au projet de camion "Semi" de Tesla, très attendu.

Techniquement, les actionnaires de Mercedes ont reçu une action supplémentaire de Daimler Truck pour deux actions détenues dans la maison mère.

Au total 65% des quelques 826 millions d'actions composant le capital de Daimler Truck sont transférées aux actionnaires de Daimler, qui en conserve les 35% restants.

Luxe électrique

Pour le fabriquant de la célèbre Classe S -- qui sera, dans une version blindée, la voiture de fonction du nouveau chancelier allemand Olaf Scholz -- la séparation marque un nouveau départ.

Accusé d'avoir pris du retard dans le virage électrique, Mercedes-Benz se concentrera sur les véhicules électriques de luxe face à Tesla, l'actuel leader du marché.

Le fer de lance, la classe S électrique baptisée EQS, doit directement rivaliser avec la concurrence américaine.

Mercedes-Benz veut tourner la page des moteurs à combustion avant la fin de la décennie et va investir 40 milliards d'euros d'ici 2030 uniquement dans l'électrification de ses berlines.

Daimler Truck vise un taux de rentabilité sur les ventes "à deux chiffres" d'ici 2025.

Le constructeur a réalisé en 2020 un chiffre d'affaires de 35 milliards d'euros contre 44 milliards en 2019 pour un bénéfice opérationnel de 525 millions (2,7 milliards en 2019).

Avant Daimler, son rival Volkswagen a vendu fin juin 2019 une partie minoritaire du capital de sa division poids lourds Traton, pour faciliter son expansion mondiale et lui donner plus de visibilité.

"Nous avons vu de nombreux exemples positifs de scissions notamment sur le marché allemand", juge Jürgen Pieper, analyste chez Metzler Research.

Selon lui, "tout le monde", entreprises comme investisseurs, "en a profité" et "je pense que ce sera la même chose pour Daimler Truck".

afp/rp