Paris (awp/afp) - Les millions d'euros de primes attribuées aux dirigeants du groupe automobile Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat...) pour l'année 2021 sont contestés par des actionnaires, des syndicats et jusque dans le champ politique, à quelques jours du second tour de la présidentielle.

Réunis en assemblée générale virtuelle, une majorité d'actionnaires de Stellantis a voté - à titre consultatif - contre la politique salariale du constructeur qui rémunère ses dirigeants selon leur performance. Ils l'avaient formellement approuvée début 2021 à la naissance du groupe, issu de la fusion de Peugeot-Citroën-Opel (PSA) et Fiat-Chrysler (FCA).

Les performances de l'année 2021 ayant été exceptionnelles, le directeur général, Carlos Tavares, devrait toucher à terme un total de 19 millions d'euros pour l'exercice.

À côté d'un salaire fixe de 2 millions d'euros, la part variable constitue la majorité (89%) de sa rémunération, avec notamment 7,5 millions liés à sa performance en 2021, une prime de 1,7 million liée à la création de Stellantis, et des attributions d'actions fondées sur des objectifs à 2026, évaluées à 5,6 millions d'euros par Stellantis pour l'année 2021, mais à beaucoup plus par un actionnaire.

"C'est choquant, mais moins choquant que pour d'autres", a commenté mercredi la candidate du RN à la présidentielle Marine Le Pen, soulignant que "pour une fois, il a obtenu de bons résultats".

"Évidemment que ce ne sont pas des chiffres normaux", a estimé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, pour qui "il faut continuer à agir au niveau européen (...) s'agissant de la taxation minimale des grands groupes", mais aussi "sur la question du partage de la valeur en entreprise".

Dans un contexte très compliqué pour l'industrie automobile, Stellantis a dégagé en 2021 un bénéfice net de 13,4 milliards d'euros, presque triplé par rapport à 2020. Le groupe franco-italo-américain est domicilié fiscalement aux Pays-Bas.

Le président de Stellantis, John Elkann, a souligné lors de l'assemblée générale que c'était une "conviction du conseil d'administration" d'opter pour la "méritocratie" et "de récompenser les performances".

"Rester dans le raisonnable"

La société de gestion PhiTrust, actionnaire minoritaire de Stellantis, a annoncé mardi avoir voté contre la rémunération de M. Tavares. Elle l'évalue à 66 millions d'euros pour l'année 2021, si de très ambitieux objectifs de long terme sont atteints à leur maximum en 2028, et si l'action reste au moins à son niveau actuel.

Cette rémunération "est-elle justifiée socialement alors que le groupe va devoir probablement faire face à des restructurations massives avec des suppressions d'emplois à la clé, compte tenu de ses surcapacités de production?" s'interroge PhiTrust dans un communiqué.

Selon la CFDT, cette rémunération a "du mal à passer auprès des salariés à qui on demande tous les jours des efforts de compétitivité".

À l'issue des négociations salariales annuelles, la direction de Stellantis n'avait pas proposé d'augmentation générale pour ses salariés français, mais une moyenne de +3,2% (+2,8% pour les ouvriers) et une prime d'intéressement et de participation de 4.000 euros brut minimum par salarié.

"Il est urgent que nos politiques prennent enfin de véritables mesures sur le plafonnement des salaires de nos dirigeants", a souligné Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT.

"L'écart ne cesse d'augmenter entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires", selon Franck Don, secrétaire général de la CFTC chez Stellantis, qui pointe un phénomène "très inquiétant". "Tavares est un très bon capitaine d'industrie mais à un moment donné il faut rester dans le raisonnable", juge le syndicaliste.

Ce salaire est un des plus hauts de l'automobile mondiale, mais aussi de l'économie française.

Du côté de Renault, qui est un bien plus petit groupe, Luca de Meo devrait être rémunéré pour l'année 2021 à hauteur de 4,7 millions d'euros, dont une part soumise à des objectifs sur trois ans.

Son prédécesseur Carlos Ghosn avait réduit en 2018 son salaire de 30%, à 4,7 millions annuels, sous la pression de son principal actionnaire, l'État français. Avec les rémunérations perçues comme dirigeant de Nissan, M. Ghosn recevait au total 15 millions d'euros par an.

Chez l'américain General Motors, la patronne Mary Barra a été payée 23,7 millions de dollars en 2020, soit environ 21 millions d'euros. Le patron de Volkswagen, Herbert Diess, a lui touché 8,6 millions d'euros l'an dernier.

afp/al